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    "l'évolution des paysages

    de Roquefort-des-Corbières"

    Trésors de nos communes

    Par Sylvie Caucanas,

    Directeur des Archives départementales de l’Aude

                Pour avoir travaillé depuis quelques semaines avec les habitants de Roquefort au projet sur le paysage qui nous est restitué aujourd’hui, je sais combien vous êtes tous passionnés par votre histoire et votre patrimoine, attentifs aux archives de votre commune et à son patrimoine mobilier.

                Si vous le permettez, je voudrais aujourd’hui évoquer avec vous une exposition que nous présentons jusqu’au 15 juin prochain aux Archives départementales et qui sera par la suite disponible dans une forme itinérante plus légère. Il s’agit de l’exposition « Trésors de nos communes ».

                Cette exposition, réalisée avec le soutien des communes du département, a un objectif simple mais ambitieux : faire prendre conscience de la richesse historique des communes, mettre en valeur un patrimoine trop souvent méconnu, trop souvent négligé. Qui s’intéresse au buste de Marianne de sa mairie ? aux bannières de la fanfare municipale ou de la société de secours mutuels du lieu ? Je vois des mouvements dans la salle ; je sais que Roquefort a une association très attentive en ce domaine mais je doute que toutes les communes soient aussi vigilantes.

                Très brièvement je vais évoquer devant vous différents éléments de ce patrimoine d’une grande diversité et peut-être vous rendrez vous compte qu’à Roquefort même, certains éléments du patrimoine communal ont été négligés.

                Evoquons tout d’abord ce qui fait la spécificité du Midi de la France : le caractère ancien des institutions municipales méridionales qui confère aux archives communales un intérêt considérable.

    Au cours des XIe et XIIe siècles, les populations urbaines puis un peu plus tard les populations villageoises obtiennent de leurs seigneurs libertés et franchises et le droit de s’autogouverner : le Midi de la France voit l’apparition d’institutions collégiales, les consulats (Avignon en 1129, Carcassonne en 1192.). Cette administration municipale, plus ou moins autonome selon les lieux et les époques, perdure tout au long de l’Ancien régime.

                Le plus ancien document conservé dans l’Aude, dans des archives municipales date du 24 septembre 1148 ; c’est le privilège commercial octroyé par le comte de Barcelone Raimond Bérenger IV au peuple de Narbonne et à ses représentants, quatre consuls, pour son aide contre les Maures : le droit de disposer d’un établissement commercial à Tortosa.

                Ces privilèges, ces franchises concédées par les seigneurs aux communautés d’habitants, les consuls les font transcrire dans des registres, des cartulaires qui renferment les actes les plus importants de la ville.

    Le cartulaire de Castelnaudary, XIVe-XVIe siècles.

    La personnalité juridique des villes s’affirme par le droit d’avoir un sceau : à Castelnaudary, au XIIIe siècle, le château et un cavalier portant l’écu à la croix de Toulouse (sceau des consuls).

                Comment s’exerce le pouvoir politique dans une communauté d’habitants ? En principe des assemblées d’habitants qui doivent délibérer des affaires importantes de la communauté d’habitants. De fait, une oligarchie qui gouverne, élue sur une liste de notables approuvée par le seigneur.

    Registre des délibérations et des élections du consulat d’Alet, 29 novembre 1595-1er février 1598 Archives municipales d’Alet-les-Bains conservées aux Archives départementales de l’Aude, 4 E 8/BB 1.

    Cartulaire de la ville de Narbonne, XIIIe -XVIe siècles Archives municipales de Narbonne, AA 108. Serment prêté par les consuls sur l’image de la Crucifixion ou sur des passages des évangiles.

    Des pratiques qui ont perduré de l’Ancien régime à aujourd’hui

                La délibération municipale est l’acte administratif par lequel le conseil municipal officialise ses décisions. De la délibération de la communauté d’habitants à la délibération municipale.

    Registre de délibérations de la commune de Montréal, 1399-1446 et 1424-1494. Archives communales de Montréal déposées aux Archives départementales de l’Aude, 4 E 254/1 D 1.

    Registre de délibérations de la commune de Carcassonne, 1636-1651. Archives communales de Carcassonne déposées aux Archives départementales de l’Aude, 4 E 69/BB 5.

    Registre de délibérations de la commune de Sougraigne, 1880-1899. Archives communales de Sougraigne, 1 D 3.

                Du registre paroissial tenu par les curés de la paroisse (baptêmes mariages et sépultures catholiques) au registre d’état civil créé en 1792 qui prend en compte tous les citoyens, quelle que soit leur religion.

    Registre de baptêmes de la paroisse Saint-Jean-Baptiste de Laure-Minervois, 1552. Archives communales de Laure-Minervois, 1 E 1.

    Registre pour les naissances, mariages et décès des non catholiques tenus par le juge mage de la sénéchaussée du Lauragais, 1788. Archives départementales de l’Aude, 5 E 76/73.

    Registre des actes de mariage de Carcassonne, 1878. Archives départementales de l’Aude, 5 E 69/354.

                Du compoix au cadastre

    Dans le Midi, depuis le XIVe siècle, le Languedoc jouit d’un privilège important : ce sont les Etats de Languedoc (assemblée composée des trois ordres) qui répartissent sur les communautés d’habitants les impôts dus au roi. Cet impôt est lui même réparti par les communautés sur les habitants de la localité en fonction de leur fortune foncière. Le compoix est le registre qui permet cette répartition : la liste des propriétés foncières de chaque habitant figure dans le compoix.

    Compoix de Sallèles-d’Aude, 1415. Archives communales de Sallèles-d’Aude, 1 G 1.

    Le compoix de Sallèles-d’Aude daté de 1415 est le plus ancien connu à ce jour dans la département.

    Plan cadastral, dit « napoléonien », de Bram (section A 1, dite du village), 1830. Archives départementales de l’ Aude PW 8799/2.

                A la Révolution française, création des communes en 1789. Peu à peu la commune va s’inscrire au sein des institutions de la République.

                Tout d’abord par les élections. Du régime censitaire aux suffrage universel (1848 : hommes, 1944 : femmes)

    Listes électorales (censitaires) de Saint-Marcel-sur-Aude, 1833. Archives communales de Saint-Marcel-sur-Aude déposées aux Archives départementales de l’Aude, 4 E 353/1K1.

    Urne de Cailhavel, début XXe s. Mairie de Cailhavel.

    Urne d’Argens-Minervois, début XXe s. Mairie d’Argens-Minervois.

    Urne de La Digne-d’Amont, début XXe s. Mairie de La Digne-d’Amont.

    1913 (2 serrures différentes)

                Les Marianne, allégories de la République, symboles. Prénom attribué dans le Midi à la révolution dès 1792. Des bustes de Marianne dès la Seconde République, cachés mais existant sous le Second empire, officiels à partir de la Troisième République en 1870.

    Marianne de La Digne-d’Amont, XIXe s. Mairie de La Digne-d’Amont.

    Marianne de Capendu, fin XIXe s. Mairie de Capendu.

    Marianne de Fabrezan, fin XIXe s. Mairie de Fabrezan.

    Marianne de Courtauly, œuvre de Guy Perrin, 1997. Mairie de Courtauly.

                L’école (depuis 1833 obligation municipale d’avoir une école primaire ; de fait après les lois Ferry surtout).

    Elévation de la façade principale de l’école mixte d’Ajac et plan du rez-de-chaussée, 1er avril 1906. Archives départementales de l’Aude, 2 Op 13.

                Le monument aux morts.

    S’il est un conflit qui a profondément meurtri les communes françaises, c’est sans aucun doute la Première guerre mondiale : 1 450 000 morts, presque toutes les familles endeuillées, toutes les communes concernées par la disparition d’une partie de leur jeunesse.

    Alors que les monuments aux morts de la guerre de 1870-1871 sont érigés tardivement, vingt ou trente après, dans un contexte nationaliste, les monuments aux morts de la guerre 1914-1918 sont édifiés dans l’émotion du deuil national, très rapidement à l’issue du conflit, pour la plupart même avant 1922. Généralement par les communes (avec subvention de l’Etat).

    Dessins du monument aux morts d’Alzonne, 1920

    Archives départementales de l’Aude, 2 Op 52.

                Un patrimoine religieux

    Depuis 1789, nationalisation des biens de l’Eglise. Après la mise en place en 1802 du régime concordataire, les églises rendues au culte sont déclarées propriété des communes, tandis que l’Etat détient la propriété des cathédrales. Après le vote de la loi du 9 décembre 1905, instaurant la Séparation des Eglises et de l’Etat, il est décidé que les biens mobiliers et immobiliers générs jusqu’alors par les fabriques sont dévolus aux associations cultuelles qui doivent être constituées dans l’année suivant la promulgation de la loi. Des inventaires de ces biens doivent être établis par les autorités publiques. A la suite du refus par l’Eglise catholique de constituer ces associations cultuelles, de nouvelles dispositions sont prises (lois du 2 janvier 1907 et du 13 avril 1908) : les biens qui ont fait l’objet des inventaires en 1906 sont désormais la propriété des communes avec une clause d’affectation obligatoire au culte.

    Depuis ces dispositions législatives et réglementaires, les communes ont la responsabilité d’un patrimoine mobilier religieux important, souvent d’une grande valeur artistique.

    Buste-reliquaire dit de saint Polycarpe, XIVe siècle (?)

    Argent repoussé, ciselé, gravé et en partie doré, émaux opaques et translucides.

    Commune de Saint-Polycarpe, trésor de l’église de la Purification.

    Pontifical de Pierre de La Jugie, archevêque de Narbonne, 1350

    Manuscrit enluminé sur parchemin en latin, reliure en veau à clous d’argent

    Commune de Narbonne, Trésor de la cathédrale Saint-Just et Saint-Pasteur.

    Calice, vers 1550

    Argent repoussé, ciselé et doré.

    Commune de Couiza, trésor de l’église Saint-Michel.

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