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Laurent Bonneau

En de fertiles images


À ses études, tournées vers le cinéma d’animation et la création vidéo, à Bordeaux puis aux Arts Déco et à la prestigieuse école Estienne à Paris, Laurent Bonneau emprunta plus l’esprit que la lettre, immédiatement attentif à échapper aux carcans des genres.

Ainsi se tourna-t-il très vite vers la bande dessinée, mais une bande dessinée buissonnière, ne se satisfaisant pas, elle aussi, des codes et des normes pour mieux explorer de nouveaux chemins entre dessins  et imaginaire. Les trois volumes de sa première saga, Metropolitan, conçue avec son frère Julien, en acceptait encore quelques contraintes ou des postures attendues, avant la liberté des albums suivants, rédigés et dessinés seuls ou avec des complices choisis. Quel que soit le thème ou l’intrigue le narratif ne peut exister, pour lui, que sublimé dans la création quasi picturale des cases traditionnelles. Chacune devient à elle seule, par exemple dans Nouvelles graphiques d’Afrique, un petit tableau où texte et phylactères à la limite s’effacent, l’image trouvant en elle-même sa raison d’être et son sens. Mais, plus globalement, c’est l’ensemble de la création proposée, le terme « roman graphique » semblant trop réducteur pour qualifier cette recherche permanente de nouveauté, qui se met à obéir aux seules règles du bon plaisir, à la distorsion du temps et de l’espace avec laquelle joue le dessinateur. Aussi ne se donne-t-il aucune frontière, travaillant avec des musiciens pour des performances musicales ou des concerts-dessins avec le musicien et chanteur Laurent Cavalié.    

Alors, où chercher le territoire privilégié du personnage ? Naguère inspiré par l’univers souterrain des villes puis, plus longuement et surement, en liaison avec une nature qui sert de fil rouge à beaucoup de ses ouvrages, de la Norvège à l’Afrique, il a fait le choix, depuis plusieurs années, de privilégier les paysages de la Narbonnaise, la rencontre du monde lagunaire, des étangs de Bages ou de Gruissan et des mystères érosifs de la Clape toute proche, aux facilités factices des grandes métropoles. Ce faisant il a déjà offert à son royaume d’élection et d’adoption un fructueux opus sobrement intitulé Narbonne. Se donnant des contraintes oulipiennes, un croquis chaque jour de l’année, une technique identique… passant de toit en balcon, d’édifices civils en monuments religieux, des plus hauts points qui peuvent se proposer à la vue, il aboutit à une œuvre farouchement libre, aussi singulière qu’hédoniste où la ville offre une topographie à la frontière des nuages, où les signes les plus triviaux de la contemporanéité font écho aux vestiges les plus anciens, où le familier, aux allures de labyrinthe borgésien, devient onirique et inattendu. Là, classicisme des formes et des silhouettes finement ancrées, blancs que les toits laissent deviner, perspectives de lointains à peine esquissées, semblent déjà annonciateurs d’autres albums où les paysages de la Narbonnaise fêteront à leur tour, de façon aussi fertile, les noces de la mémoire, de la nature et de la geste du créateur.

http://www.laurentbonneau.com/

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