Jean-Michel Cabrol
Dans la magie des rencontres
Il n’est jamais acquis qu’une passion se donne le maître qu’elle mérite. Ce fut le cas, néanmoins, pour Jean-Michel Cabrol. Très tôt l’enfant fasciné par les chanteurs et les musiciens dont la télévision lui offrait le spectacle se plaisait de longues heures à les imiter, à l’aide parfois d’instruments à sa mesure offerts par ses parents. Puis à l’âge de sept ans ce fut le bouleversement de la rencontre avec le talentueux Jules Calmettes venu offrir ses services aux petits écoliers de Gruissan et leur ouvrant les portes d’un monde merveilleux. Avec lui l’aridité du solfège et la répétition des gammes laissaient sa juste place, la meilleure, au plaisir, celui des sons et des jeux mélodiques. Avec lui aussi, très tôt, les musiciens en herbe allaient goûter aux joies de la scène, ignorant que, pendant plusieurs années ils participeraient à une formidable aventure, celle du Big Band de Gruissan, présentant leurs prestations jazzistiques dans le Midi avant de parcourir avec succès toute l’Europe. Aussi convivial qu’attentif et exigeant leur bon maître apprenait à ses jeunes élèves la dualité hédonique de la musique, la joie de jouer mais aussi la tâche de la faire partager à ceux qui écoutent. Comme ceux de son âge le gamin avait d’abord rêvé d’une guitare à laquelle ses parents, substituèrent, à titre d’essai, un saxo centenaire oublié dans un grenier et qui avait animé des fanfares villageoises. Ce fut l’autre révélation décisive, le début d’un compagnonnage qui n’a connu ni éclipse ni terme au long d’une carrière musicale riche en rencontres, celles de musiciens régionaux mais aussi des grands noms du jazz rencontrés dans les hauts lieux parisiens ou lors de multiples prestations internationales. Quartets montés en compagnie d’amis, engagements dans de grandes formations, prestations en solo, concerts, disques… toutes les figures d’une ambition classique et fructueuse sont réunis.
Mais l’originalité du saxophoniste tient aussi à la dualité de sa trajectoire. Fasciné depuis l’enfance par un père conducteur de trains il n’aura de cesse, au prix de longues études, d’embrasser la même fonction qu’il ne sacrifiera jamais aux attraits et à la liberté de la bohême artistique. Nomade, se déplaçant aux quatre coins du monde, il affirme haut et fort son attachement identitaire à Gruissan, son territoire, au rituel spectaculaire et ancestral des fêtes de la Saint-Pierre, à la pêche en étang, aux coutumes qui ponctuent le quotidien. Et, dans le même mouvement il exalte les rencontres sans cesse renouvelées que permet le jazz, des prestigieux Glenn Ferris, Richard Galliano aux amis de Toulouse ou de l’incontournable festival de Conilhac, du pianiste de Chet Baker aux vieux copains d’enfance. Attentif aux nouveautés, avide d’échanges et de confrontations conviviales Jean-Michel Cabrol ne cesse ainsi de rêver ici, dans un village qui fut le terreau de nombreuses vocations à la mise en place de lieux aux frontières abolies où s’épanouiraient à leur juste mesure les plaisirs de la création et du partage qui naissent de la musique.
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jm.cabrol@aliceadsl.fr
texte écrit par Jean-Pierre Piniès