Immédiat, au plus loin de l’enfance, le don du dessin, de la représentation fidèle du réel, commande à une vie où la peinture sera au coeur de l’immanence. Quelques images, glanées au fil de livres de classe, les conseils avisés de maîtres qui apprirent à leur élève que la voie à trouver ne viendrait que de lui même, la fréquentation à grand pas d’une académie, suffirent à une trajectoire où les oeuvres se transforment et se renouvellent au fil des rencontres et l’exploration du champ immense des possibles, commandées toujours, cependant, par le même impératif : saisir ou s’efforcer de saisir, en délaissant les conventions, les simulacres, et les emprunts faciles, l’être en soi de la création artistique. L’aventure fut riche, nourrie de compagnonnages, dont le plus célèbre fut celui de « Supports - Surfaces » avec Buraglio, Dezeuze ou Viallat, mais il y eut aussi d’autres connivences, d’autres échanges avec Soulages, Bram van Velde, Hantaï, des admirations aussi pour Pollock, Fontana, Tobey... Mais rien qui n’entama jamais l’indépendance d’un projet solitaire et de cette réflexion / création autour de l’abstraction, ce long chemin où les doutes fécondent la sérénité provisoire des certitudes et des satisfactions. En témoignent la diversité des formes (les lignes, les taches, les pliures...) et des supports (de la toile au bois flotté en passant par les tissus, les disques vinyles...), la variation dans les surfaces, le renouvellement des techniques, même quand toutes semblent marquées d’une imperceptible mélancolie matissienne. Avec toujours, en ligne de mire, le moment et le geste où, semblable à l’archer zen, les yeux fermés, le peintre trouve enfin le chemin unique et évident de l’harmonie.
Parallèlement, dans une double vie, le cinéphile passionné se fit critique de cinéma avant à son tour de réaliser, aux moments les plus féconds de la télévision, souvent en compagnie de Pierre Dumayet, des grands reportages, des portraits d’artistes, des documentaires historiques. Trop contraint par le carcan de l’audience à tout prix qu’on essayait de lui imposer à Antenne 2, il participe à la création de la Sept (devenue aujourd’hui ARTE) comme délégué de George Duby, président de la chaîne, puis directeur des programmes. Plus tard, il réalise pour ARTE de nombreux documentaires d’investigation - dont certains sur « Elf », « Le Crédit Lyonnais » ou « Le terrorisme noir en Italie » sont devenus des classiques - qui en font un observateur aussi redouté qu’admiré du monde comme il va, guidé en permanence par la recherche du savoir et la volonté de comprendre.
A Bages, en 1978, il découvre enfin, après avoir rêvé un moment à
l’île de l’Aute, la maison de ses désirs, cloître ouvert sur le monde, dans la
diversité des paysages, où il devient possible de concilier les exigences du
cinéma et de la peinture, en passant de son studio de montage à l’atelier-grenier lumineux comme suspendu au dessus de l’étang. De là il peut apercevoir, à peine visibles sur les eaux, le ballet inlassable des mouettes défiant l’éphémère, la beauté.
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texte écrit par Jean-Pierre Piniès