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Jean-Pierre Piniès
Un regard enthousisate (1946-2018)

Le geste du potier, le trait du dessinateur, le vocabulaire du métier de la batellerie, tout fait rêver Jean-Pierre Piniès qui aborde la réalité comme une source de jouissance poétique infinie. Chercheur et ethnologue, il aime se laisser dépasser par ses sujets de recherche. La quintessence de son travail se trouve au bout d’un lent processus de maturation. 
 
L’école a joué un rôle déterminant dans son parcours, ou plutôt deux enseignants dont il a la chance de suivre les cours : René Nelli au lycée de Carcassonne et, à l’université de Toulouse, le linguiste Jean Séguy dont la figure intellectuelle et libertaire le marque profondément. Descendant, autant du côté paternel que maternel, d’émigrés économiques espagnols venus chercher en France une vie meilleure, Jean-Pierre Piniès s’attache, sur le plan personnel et politique, à revendiquer et cultiver l’héritage des anarchistes espagnols.

Enfant et adolescent, ce fut cependant la terre audoise qui incarne ses racines. Y contribuent sans doute le récit épique des péripéties d’un arrière-grand-père colporteur dans la Montagne Noire et les périples qu’il fait avec son oncle Lucien à la découverte des châteaux cathares, provoquant chez lui l’émerveillement de ces vastes et si proches horizons.
 
Compte beaucoup aussi l’amitié complice, dès l’adolescence, avec Daniel Fabre, qui deviendra l’un des grands anthropologues français. Dans les années 1970, il participe sous sa direction à la grande enquête CNRS menée au Pays de Sault dans le cadre de la RCP (Recherche Coopérative sur Programme) Pyrénées. En 1981, ils fondent à Carcassonne avec René Nelli, reprenant et modernisant la revue d’ethnographie méridionale, Folklore, créée en 1938, le GARAE (Groupe Audois de Recherche et Animation Ethnographique), centre de documentation ethnologique, maison d’édition, lieu de recherches, d’animations, d’expositions et de colloques, labellisé Ethnopôle en 1996. 

Jean-Pierre Piniès se passionne d’abord pour les traditions locales, pour la langue et la culture occitanes, pour la sorcellerie à laquelle il consacre sa thèse d’État. Puis il développe une approche ethnologique des monuments historiques, notamment à travers les exemples de la Cité de Carcassonne, qui lui est chère, et de l’abbaye d’Aniane qui fut un temps un bagne d’enfants. Les nouveaux processus de « patrimonialisation » lui permettent d’aborder le temps présent. La complexité des sujets abordés, leur vive actualité parfois qui en font des lieux de conflits possibles, lui donnent l’occasion de mettre en lumière les différents usages, d’identifier les différents regards, parfois contradictoires, portés au cours des années, en un mot d’en élucider les enjeux, avec toujours à ses côtés sa compagne Christiane Amiel, ethnologue elle aussi.

Membre actif du Comité d’experts culturels du Parc naturel régional de la Narbonnaise en Méditerranée dans les dernières années de sa vie, il réussit à donner, sur des sujets aussi variés que la chasse, l’île de la Nadière, le village des Carrats, toutes sortes d’interprétations nouvelles et inattendues.

Ses nombreuses publications, dont celles pour le Parc naturel régional de la Narbonnaise en Méditerranée, nous rappellent qu’un territoire ne se vit pas seulement au quotidien, mais qu’il se pense.

Marion Thiba



Liens :

- Sur le site des Archives du sensible :

carnet La Nadière, l’île paradoxale,

film La Nadière,

carnet La Réserve naturelle régionale de Sainte-Lucie,

livre Panorama des acteurs culturels

- Site du GARAE : http://www.garae.fr/

    


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