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Simone Ribes

En Camargue narbonnaise :
entre tradition et innovation

Au plus loin gisent souvent les rêves de l’enfance. Ainsi pour Simone, née entre deux manades, les parfums : ceux de l’herbe coupée chauffant au soleil, des selles, du cuir des harnachements et surtout des bêtes, chevaux et taureaux errant au long des pâturages de la Petite Camargue. Odeurs enivrantes qu’elle recherchera sans cesse, hantée par ses premiers souvenirs, et qu’elle retrouvera, à force d’expériences, de patience et d’obstination, au Grand Tournebelle, en bordure des étangs qui s’ouvrent aux portes de Narbonne. Là, débute une formidable aventure ponctuée de bonheurs, mais aussi d’infortunes, à laquelle elle ne cesse de croire, propriétaire des terres d’abord puis locataire d’un trio fait du Conservatoire du Littoral, du Parc naturel régional de la Narbonnaise et de la ville de Narbonne. Dans ce laboratoire à ciel ouvert, les uns et les autres cherchent à retrouver des états anciens de l’écosystème, plantes, manières culturales, tout en laissant sa bonne place à la manade. Car ici ce qui règne, entre roselières, prés et bosquets, c’est l’imaginaire d’une Camargue retrouvée, encore plus pittoresque peut-être que l’autre, tant la manadière a su reconstruire avec ferveur les horizons de la nostalgie. Là, paisibles, vachettes et taureaux attendent les courses des arènes de l’été où ils montreront leur force et leur habileté, défiant les meilleurs raseteurs, rapportant peut-être un jour, le biòu d’or, la récompense suprême qui consacre le travail de l’éleveur. Puis, le moment venu, pour éviter le surpâturage, certains seront abattus et transformés en mets au goût rare et recherché. En l’attente, dès le printemps, nombreux sont ceux à se rendre à la grande ferme où, l’été, les acteurs du lieu leur montreront le meilleur du travail du gardian. Emerveillés les visiteurs verront les poursuites, le tri, un simulacre de ferrade, avant de boire l’eau mystérieusement anisée du puits que l’amphitryon leur prodiguera à volonté avant de partager le repas puis les chants des cavaliers. Promenades en calèche, leçons d’équitation classique, monte camarguaise, déambulations en poneys…à Tournebelle, tout est possible, chaque jour amène sa nouveauté, sous l’œil attentif, passionné et généreux de la manadière, que ne parvient jamais à cacher le grand chapeau noir, que lui offrit jadis son père. A Noël, et pour de longs mois, la Provence fait encore irruption dans la maison où trône la crèche de Simone Ribes: santons de toute sorte, gardians à cheval, arlésiennes rieuses, gitans affairés autour de leur camp, taureaux et chevaux divaguant au gré de prairies de papier que le mistral semble animer, s’y font les témoins d’une mémoire qui a su trouver et inventer un autre royaume.
Enfin, le soir venu, aux heures de solitude et de ressourcement, loin pour un moment des hommes et des bêtes, la manadière assouvit un autre rêve de l’enfance, quand, les doigts parfois gourds, attachée à son piano, elle défie, inlassablement, les offrandes de la nuit.

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