Paul Tournal (1805-1872).
Pionnier de l’archéologie et apôtre de la modernité.

Sans doute fallait-il beaucoup de courage pour affronter l’obscurité et le terrain périlleux des grottes du Moulin de Bize, beaucoup de clairvoyance aussi pour envisager ce que cette aventure avait de porteur, et enfin beaucoup de témérité intellectuelle pour remettre en cause les théories qui prévalaient en son temps. Paul Tournal l’a fait, bravant même la désapprobation de ses amis les plus proches. Ainsi pouvait-il annoncer, dès 1827, qu’il avait trouvé dans les mêmes couches les fossiles d’espèces disparues et des pierres taillées par l’homme. Son affirmation que « l’homme existe à l’état fossile », mettant à mal les théories officielles lui valut une condamnation immédiate tant de l’Eglise que des savants de son époque comme Cuvier. Le découpage du temps qu’il proposait, en grandes périodes géologiques, ancienne et moderne, n’en était pas moins révolutionnaire, mais c’est Boucher de Perthes qui, trente ans plus tard, tirera la gloire des découvertes du jeune Narbonnais qui s’était par ailleurs intéressé avec autant de passion aux mines et aux volcans.
Passablement dépité et vexé par l’accueil réservé à ses découvertes Tournal, cédant à une autre de ses passions, s’installe pendant quelques années à Paris se consacrant au journalisme, profitant de sa situation pour défendre des idées qui le classent clairement du côté des socialistes saint-simoniens. C’est aussi l’époque des grands voyages, en Angleterre, en Belgique, en Espagne, en Italie qui lui font exalter le génie industriel des hommes, le tunnel sous la Tamise à Londres par exemple, sans oublier ses premières amours, la description de son expédition géologique au cratère du Vésuve restant un modèle du genre.
Son « grand tour » achevé, il se fixe à Narbonne en 1841 où il poursuit des projets initiés dès 1833 avec la création de la prestigieuse Commission Archéologique de Narbonne, fleuron de la discipline naissante. L’année suivante il est nommé, en même temps que Jean-Pierre Cros-Mayrevieille, inspecteur pour l’Aude, par Prosper Mérimée qui dirige la Commission des Monuments Historiques. C’est le début d’une longue collaboration fructueuse qui le fera aussi complice puis ami de Viollet-le-Duc dans ses chantiers narbonnais. La conjugaison de ses relations, de son talent et d’une curiosité intellectuelle jamais prise en défaut, l’amèneront à attirer au jeune musée de Narbonne de riches collections préhistoriques privées. Pendant la démolition des remparts de la vieille ville il se fait défenseur vigilant des vestiges opérant d’inestimables sauvetages, répertoriant ensuite avec attention, en de précieux catalogues, les pièces d’un musée lapidaire considéré comme l’un des plus importants d’Europe. Reconnu dès lors par des actions qui assurèrent à Narbonne un large rayonnement culturel, Paul Tournal apparaît sans conteste comme le père spirituel de cette pépinière fertile d’archéologues audois qui ont fait de la Narbonnaise un terrain exceptionnel de recherches et de découvertes.

texte écrit par Jean-Pierre Piniès

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