Luc et Perlette Valdelièvre,
Pousse caillou, la lithographie ou l’art en partage.

Aux origines est toujours cette lancinante lumière du Sud où vinrent s’éblouir depuis plus d’un siècle peintres et artistes dans un destin qu’objective toujours le hasard. Pour Luc Valdelièvre et sa compagne Perlette, ce fut une balade qui leur fit découvrir à la fin des années soixante La Palme avant le vertige solaire de Roquefort-des-Corbières. Une vieille maison assez grande, offrit son hospitalité aux machines de l’atelier du lithographe après ses années de formation parisiennes. Pour une telle création nul besoin de secret, d’apprentissage initiatique mais bien d’une passion et d’une connivence profonde avec la matière et les formes qu’elle génère. Une longue patience aussi qui débute avec la préparation de la pierre, son « grainage », son polissage qui va la rendre apte à recevoir le travail de l’artiste. Qui continue ensuite, et en permanence, avec la recherche des pierres que les tirages usent et rendent impropres à de nouvelles créations. Il faut chiner les manufactures à l’abandon ou, pour les plus grands formats, attaquer la montagne, lui arracher, comme dans les carrières de Gorniès, dans l’Hérault, d’immenses dalles calcaires. Aux pierres font aussi écho les machines, à Pousse Caillou, chez les Valdelièvre on en trouvera parmi les plus grandes de France, qui serviront à l’impression des pièces à la taille imposante.
Ensuite il faut attirer à Roquefort-des-Corbières des artistes, vite séduits par la qualité du travail de leurs hôtes. Certains viendront, parfois de très loin, de l’Europe entière, y effectuer une commande, d’autres partageront avec l’artisan un produit qu’ils diffuseront ensemble. Mais pour tous ce qui importe c’est la complicité avec les maîtres du lieu, le partage des doutes, des recherches, des conseils, de la satisfaction de l’œuvre accomplie aussi. L’un dessinera, tracera, incisera la surface lisse d’une pierre que l’autre encrera, irisera, en jouant sur les intensités et les couleurs. Dans le silence que rompt à peine le bruit des presses, ici, la création trouve le juste chemin de son harmonie. L’après c’est le public, celui des commanditaires ou des amateurs auxquels le lithographe proposera au plus juste prix ses images, soucieux avant tout de les rendre accessibles à tous, au nom, pour lui, de l’impérieux partage de l’art. Désir, parfois inabouti, qui commande de répéter invitations et explications pour mieux amadouer, au-delà des amateurs éclairés, ceux qui vivent au plus près sur le territoire. Mais entreprise aussi toujours vivante puisque Luc Valdelièvre disparu, d’autres ont donné à l’atelier silencieux une nouvelle vie en créant une artothèque dans laquelle, outre le plaisir des expositions, passionnés et esthètes, peuvent louer, à prix modique, une des prestigieuses créations qu’elle conserve et enrichit.
Plus au loin, au pied de la colline, dans la discrétion odorante de pins que hantent les grands vents, se dresse, aujourd’hui silencieuse, ce qui fut l’autre royaume du lithographe : une bergerie de pierre, symbole lumineux de sa recherche infinie sur les secrets du minéral.

texte écrit par Jean-Pierre Piniès

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