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Pierre Aussel
Le sang de la terre.

De modestes migrations semblent commander au destin de Pierre Aussel, toutes organisées autour du topique familier et passionnel que représente le terroir, et l’ancrage, nostalgique, vers la ruralité, moins lieu de pratique au demeurant que de lecture. Inévitables, les paysages de l’enfance dans le Lodévois, les récits de la grand-mère venue de la solitude du Larzac, et déjà les vignes, le grand domaine géré par le père, vont ponctuer les premières années. Puis survint, inattendu, le départ vers l’Aude et l’arrivée en 1951 au domaine de Jonquières, à l’allure de hameau avec ses trente employés qui se faisaient près de cent au moment des vendanges, les lourds charrois, les parfums qui s’échappaient de la cave, le martèlement et les cris des chevaux attachés aux travaux. Fasciné sans doute, mais de santé fragile, le jeune homme préféra à ce monde le calme des études qu’il poursuivit jusqu’à une licence en droit et la réussite à un concours de l’administration, qui l’obligea à un court séjour dans l’Est avant de retrouver ses racines, profondément existentielles, à Narbonne qu’il ne quittera plus, s’employant pendant trente ans à ses fonctions d’intendant au lycée Diderot. Attiré tout d’abord par l’économie et la géographie, il découvre l’Histoire à l’occasion de recherches généalogiques sur sa propre famille, qui donnent plus d’ambition à ce lecteur attentif de Roupnel et de Braudel, tout d’un coup attentif aux grands glissements qui modèlent le temps. Tout naturellement il va choisir le monde rural comme sujet d’investigation et plus particulièrement le domaine de Jonquières avec lequel il entretint une longue fréquentation. S’en est suivie une étude exceptionnelle : en effet, consultant tous les documents d’archives, en reproduisant le meilleur, scrutant les actes de vente et les baux de  fermage,  parcourant tous les documents disponibles, il livre la seule étude de cette envergure sur un domaine agricole, couvrant une période aussi longue soit un millier d’années, soit un millier d’années.

Mais le chercheur ne s’arrêtera  pas en si bonne route, il prépare actuellement une étude sur l’alimentation en eau de Narbonne depuis la période romaine, faisant mentir l’image du chercheur solitaire et attaché à un unique objet, et s’attache à deux autres terrains, créant en 1991 le groupe de travail « Les amis du Pays de Sault », promise à un grand succès, puis crée et préside aussi un temps aux destinées du GARRI (Groupe Audois de Recherche Rurale Interdisciplinaire) qui étudie le massif de Fontfroide sous tous ses aspects (flore, faune, géologie, histoire…) et entend participer de son mieux à sa mise en valeur. Sans oublier, depuis la jeunesse un engagement social qui fait participer ce chrétien à toutes les luttes syndicales et politiques menées au nom de la justice.

Ainsi, de souvenirs d’enfance émouvants en quêtes minutieuses, persévérantes et fructueuses des traversées du temps, Pierre Aussel apparaît-il comme un orpailleur des flots incessants de la mémoire, sentinelle vigilante au gué des métamorphoses de l’Histoire. 


21 rue de l’Orbieu

11100 Narbonne

texte écrit par Jean-Pierre Piniès

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