Il suffit d’un oncle lointain, jamais vu mais paré de tous les prestiges de l’exotisme pour décider du sort de Jean Belondrade : une carrière consacrée à la photographie qui, loin d’être un long fleuve tranquille, s’est nourrie, et se nourrit encore, de multiples péripéties. Aux longues randonnées en montagne du jeune ariégeois revenant avec de précieux clichés naturalistes, aux studieuses séances de travail dans l’atelier de Jean Dieuzaide ou aux cours par correspondance d’une école américaine, succèderont, nécessité matérielle oblige, les premières photos publicitaires. Mais le photographe, réputé, se prend au jeu et les prises de vues de foie gras, des vins les plus renommés, des compositions d’objets, génèrent une passion du studio, des jeux de lumière à l’infini qu’il permet, alliant aussi recherche esthétique et diversité des approches.
Puis la répétition tournant à la lassitude, l’impatience de retrouver des impressions et des rêves anciens, amènent à la rupture avec le monde de la photographie de marques et l’installation à Feuilla, au cœur secret des Corbières maritimes. Ce temps nouveau permet de renouer avec d’autres aventures, jamais vraiment abandonnées mais laissées un peu au second plan et qui apparaissent tout à coup comme les plus précieuses, s’articulant autour de ces pôles apparemment antinomiques que sont le proche et le lointain. Celui-ci va des horizons glacés de l’Arctique que parcourent les Inuits au chemin de l’exode du Sinaï, en passant par les steppes de la Mandchourie, les hauts plateaux de l’altiplano de Bolivie, l’ouest sauvage de l’Australie… Mais, dans le même mouvement lui font écho, les images que renvoie, dans une curieuse similitude de forme et de sujets, le quotidien des longues escales du Languedoc. Aux paysans pittoresques descendants des Incas, aux fermiers du bush poussiéreux, répondent ce viticulteur aussi exotique appelant sa pie domestique, cet autre se mettant en grande tenue pour faire déguster son vin, la population du village d’adoption visitée et photographiée maison après maison dans l’infinie nuance de ceux qui y vivent. Ainsi se tisse un réseau de correspondances qui, au bout du compte, montrent que les rêves des passagers et des marins sont semblables au long des navires, que les gestes des ouvriers au travail, dans un ballet invisible à force d’habitude, dessinent partout, dans la peine, la même harmonie, que la passion amoureuse emprunte, ici et ailleurs des rites identiques et émerveillés.
En fait, il ne faut pas s’y tromper, sous l’apparence de la restitution un peu naïve des moments les plus humbles ou des plus triviaux, la photographie devient une véritable herméneutique, et ce à double titre. Rencontre de la simplicité et de la richesse de l’autre, elle est aussi révélation de soi, et, dans le même temps, dans sa recherche du nombre d’or, du point magique, le punctus, où vont s’engouffrer la beauté et l’émotion du monde, elle se fait complicité attentive et fraternelle dans la recherche, toujours recommencée, de « la bonne distance ».
Expositions :
Altiplano. Les gens d’en haut / Western Australia. L’or des Braves /Les anges gardiens de l’Arctique / Suites Russes. Sombre bonheur / Sinaï. Le chemin de l’exode.
avec le Parc naturel régional de la Narbonnaise : Un port au bout du Monde, Port-la-Nouvelle et Les visages du Village, Feuilla
Publications :
Vu. Familles photographiques / Jours d’été en Corbières, in La Narbonnaise en Méditerranée, regards croisés sur un Parc naturel régional, 2006 / Belondrade (anthologie), 2007.
CONTACT :
ancien chemin de saint Jean
11510 Feuilla
06 85 90 25 59
Site :
www.jeanbelondrade.fr
et www.goanda.eu
texte écrit par Jean-Pierre Piniès