Tant il était intégré et reconnu dans l’Aude et particulièrement dans le Narbonnais, tout le monde ou presque avait oublié que Pitch Bloch était suisse et qu’il n’était venu en France qu’après 1a guerre pour y rédiger sa thèse, s’y faisant embaucher ensuite dans une grande entreprise de produits chimiques. La curiosité et la boulimie de savoir de ce chercheur aussi féru de chimie ou de biologie que passionné par les grandes questions sociales et la défense des droits de l’homme allaient en tout cas trouver, après mai 1968, dans la mouvance d’Actuel ou du Sauvage, bien des sujets propres à les nourrir. Très tôt il s’intéresse aux problèmes de l’environnement et aux solutions pratiques qui permettent de les affronter ou de les résoudre, en particulier l’utilisation de l’énergie solaire et plus largement tout ce qui touche aux nouvelles façons de penser l’habitat. C’est la période, dans le cadre de la formation permanente, des cours à Jussieu, destinés aux architectes ou aux techniciens désireux de mettre en pratique ce nouveau savoir. Vient ensuite l’envie de mettre en pratique l’enseignement dispensé, et la longue quête, dans le Sud, soleil oblige, du terrain idéal où construire la maison climatique emblématique. Ce sera finalement Montseret qui accueillera cette demeure devenue un peu mythique à force de recevoir des visiteurs du monde entier ou des artisans traditionnels stupéfaits par l’apport des nouvelles technologies et leur harmonie avec les règles les plus anciennes de l’habitat rural.
« L’exil » méridional c’est aussi le début de l’engagement intense et de luttes dont la résonance a eu une portée immense. Depuis 1985 rien ne s’est fait sur le terrain de l’écologie dans la région qui ne porte sa marque jusqu’à la création, en 1989, d’ECCLA au nom si bien trouvé (Association Ecologie du Carcassonnais, des Corbières et du littoral Audois) : défense classique du bassin de l’Aude, mouvement d’information et de mobilisation à propos du passage d’une ligne à très haute tension… actions spectaculaires et répétées dont le référé introduit, dans des conditions difficiles, contre le Paris-Dakar. Sans oublier, toujours impulsées par Pitch Bloch et rendues possibles par la formidable documentation encyclopédique qu’il avait assemblée les luttes incessantes contre les empoisonnements chimiques : découverte du projet de fabrication d’un pesticide à Port-la-Nouvelle dont les services compétents avaient oublié le danger, mise au service de ses compétences de chimiste pour dénoncer les risques d’intoxication encourus par la population de Salsigne, lutte pour obliger les industriels à résumer les dossiers ô combien techniques dans un langage accessible à tous… Autant de combats menés dans une indépendance totale dont toutes les institutions départementales, impressionnées par la rigueur et la richesse de ses interventions, fruits d’un travail colossal, ont reconnu très vite l’importance, comme le rôle décisif de ce David infatigable dont on n’a pas encore mesuré la portée véritable des actions et des victoires.
Pitch Bloch est décédé en 2007.
texte écrit par Jean-Pierre Piniès