S’il est nécessaire de trouver un fil au destin, celui de Michel Bourzeix a beaucoup à voir avec le vin. Venu du plus froid de la Corrèze, cette « Sibérie limousine », ce fils de négociant, études faites dans le sanctuaire de Bordeaux est repéré et embauché par le grand œnologue Michel Flanzy, directeur de la Station de Recherches Œnologiques, à Narbonne, et chef de département à l’Inra dont il deviendra l’un des plus proches disciples. Très vite le jeune chercheur sait faire preuve de talents, il s’oriente d’abord vers l’étude des polyphénols, vaste famille de molécules végétales dont il devient un spécialiste internationalement reconnu, conférencier invité à ce titre dans divers pays du monde, assurant ainsi la bonne continuité de la renommée de la station de Pech Rouge à Gruissan. Les nombreuses communications et études comme la gestion des équipes de chercheurs, ne l’empêchent pas, au contraire, de se pencher vers les problèmes plus quotidiens de consommation du vin : soulignant les vertus du produit il dénonce les excès et les dangers de l’alcoolisation vinaire qui est devenue la règle et il défend les cépages autochtones, générant des vins moins alcoolisés et plus sains, faisant par ailleurs la preuve de tous les bienfaits que l’on peut attendre de jus de raisin bien élaborés.
Passionné par la vigne il est aussi séduit par les multiples traces que le génie de la romanité a laissées dans la Narbonnaise et, attentif à toutes les marques qu’il a pu imprimer au paysage, il met à jour, en liaison avec des archéologues, des tronçons de voies annexes et surtout des pans entiers de la Via Aquitana, qui reliait Narbo Martius (Narbonne) à Burdigala (Bordeaux), parcours qu’empruntent désormais les pèlerins se dirigeant vers Saint Jacques de Compostelle. Cette attention à l’Histoire et au savoir des hommes, à leurs constructions, lui permet aussi de dénoncer une des plus grandes aberrations architecturales contemporaines qui consiste, en orientant systématiquement leur façade vers le sud, sans prévoir de protection végétale, à exposer les maisons à la violence du vent de Cers qui balaie le territoire.
Son domaine de Saint Félix, dans sa profusion d’espèces, caduque ou pérennes pour suivre le mouvement des saisons, où le vent vient se briser contre des murs aveugles, est un modèle d’adaptation réussie au milieu, illuminé par les taches de couleur de sa dernière découverte : les bigaradiers. Très certainement véritables « pommes » du Jardin des Hespérides, les bigarades, importées en Europe par les Croisés revenant de Palestine, ont précédé les oranges dans le temps et ont connu en Languedoc un grand succès jusqu’au XIXème siècle. Fruit amer, recherché pour ses confitures et ses parfums, au gré de ses huit variétés, le bigaradier retrouvé, robuste et réclamant seulement l’abri du vent, fait depuis huit ans, annuellement, le charme du marché de La Caunette et son plus fervent défenseur espère qu’il retrouvera toute sa place à Narbonne, « la ville des agrumes antiques ».
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St Felix
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texte écrit par Jean-Pierre Piniès