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Henri Boutière

De la mer aux étangs : entre savoir et passion.

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Il est sans doute donné à peu, et ils n’en sont que plus précieux, d’incarner dans la modernité l’esprit du siècle des « Lumières » où la curiosité intellectuelle ne connaissait pas de limites, usant toujours de ses fins pour se mettre au service des autres. Ainsi en va-t-il d’Henri Boutière, arpenteur des disciplines, refusant de se laisser enfermer dans la sienne, l’ichtyologie, pour mieux faire son miel de la géologie, de la météorologie, de l’architecture, de l’énergie solaire ou de l’astronomie telle qu’il put s’y adonner dès les années de l’enfance et de la formation au Maroc. Si ses vrais débuts ont lieu à Casablanca, à l’Institut des Pêches, puis comme maître de conférences à Paris VI, son nom reste profondément attaché à Banyuls-sur-Mer où il passe ses meilleures années de chercheur au ichtyologie, pour mieux faire son miel de la géologie, de la météorologie, de l’architecture, de l’énergie solaire ou de l’astronomie.

Ses études et ses interventions sur le domaine maritime sont multiples et essentielles - il est ainsi à l’origine de la réserve marine de Cerbère-Banyuls - mais, très tôt, souhaitant échapper aux limites qu’impose la spécialisation, il pilote une série d’actions sur le monde lagunaire, un peu délaissé, qui ne sont pas pour rien dans la création du Parc naturel Régional de la Narbonnaise. A Sigean, par exemple, il met en place une station biologique, où, aidé d’étudiants avancés, il recueille un ensemble très complet de données qui sont considérées aujourd’hui comme des références et qui ont changé passablement la perception que l’on avait des phénomènes affectant le milieu lagunaire. Il peut démontrer ainsi les dangers des constructions non maîtrisées sur les graus des étangs, en particulier les barrages, et leurs conséquences parfois catastrophiques sur les migrations des poissons entre les deux milieux. Ce savoir il le met en permanence, sans compter son temps, au service des autres étangs, La Palme, Campignol, Bages…, alertant les décideurs et les aménageurs sur des décisions trop rapides qui pourraient mettre fin à l’équilibre fragile de ces eaux.

Car le savant est chez lui inséparable du pédagogue modeste et persévérant capable de s’adresser à tous les publics, aussi à l’aise devant des élus que devant ses pairs ou les étudiants et les lycéens. L’essentiel demeurait avant tout, pour Boutière, d’inciter à la découverte par la curiosité, à faire mesurer la juste place de l’homme dans son environnement. Pour ce faire il savait aussi bien manier la parole que l’écoute, l’observation du terrain que la recherche du laboratoire, et bon nombre de ceux qui l’ont connu n’hésitent pas à parler d’un artiste-biologiste tant ses dessins et ses croquis dépassaient le simple cadre de l’information scientifique pour rejoindre, en quelque sorte, le meilleur de la peinture, rappelant les belles planches naturalistes d’un Buffon ou de ses disciples.

Aussi est-ce juste récompense que, découvrant les mille et une merveilles de l’étang, les petits écoliers de Bages jouent et apprennent, aujourd’hui, dans une école qui porte son nom. Henri Boutière est décédé en 2004.     

texte écrit par Jean-Pierre Piniès                

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