Yvette et François Carbou,
De la musique avant toute chose ...

Quel art, quelle passion auraient pu mieux réunir Yvette et François Carbou que la musique  dont ils se sont faits, depuis des décennies, les chantres aussi précieux ? L’aventure a débuté à l’orgue de Notre-Dame de Paris où, venue filmer Pierre Cochereau pour une émission de télévision, la jeune script enchanta celui qui tournait les pages du maître. Mais pour l’un comme l’autre, la musique était affaire ancienne, le petit pensionnaire de Rouen se faisant dès l’enfance l’acolyte des organistes les plus prestigieux de Notre-Dame tandis que les leçons de piano tenaient bonne place dans l’éducation de la jeune fille. Il leur fallut très peu de temps pour fonder, mêlant leurs initiales, leur première maison  de disques, FY, sortant des sentiers battus pour enregistrer des pièces aussi riches que laissées à la discrétion comme le grand Te Deum, le Magnificat ou le De Profundis Parisien. Puis advint une aventure encore plus téméraire, mais tellement fructueuse, quand ils choisirent l’indépendance complète, de la conception à la distribution, en créant le label Solstice. Quarante ans après, leur catalogue est devenu une grotte aux trésors de plus de quatre cents entrées où se côtoient les plus grands interprètes, de Pierre Cochereau en passant par Yvonne Lefébure, Pierre Pincemaille, Setrak… ; où tout ce que la discipline a fourni de meilleur se retrouve sans exclusive, les pièces de Bach faisant écho à Couperin, à Schumann ou à Franck.

Sans doute cette réussite s’inscrit-elle dans ce livre de contes que semble avoir été leur vie : le fougueux François n’obtient-il pas, encore enfant, l’autographe qu’il sollicite de Mgr Saliège, l’archevêque de Toulouse ; ne connaît-il pas plus tard le privilège d’écouter Giono lui lisant à Manosque les première pages du Désastre de Pavie ; ne déjeune-t-il pas régulièrement avec Antoine Blondin quand il ne rencontre pas Albert Schweitzer ? Que pourrait lui envier celle qui, enfant, sauta sur les genoux de l’immense comique Oliver Hardy ; qui embrassa, fascinée par son père, gestionnaire de décors pour le cinéma, une carrière de script l’amenant à travailler avec les plus grands et à fréquenter des stars comme Audrey Hepburn lors du tournage de Voyages à deux de Stanley Donen, puis à poursuivre son métier à la meilleure époque de la télévision avec Marcel Bluwal ou Jean-Christophe Averty ?

Cette aventure méritait son port d’attache et ce fut Sainte-Croix, une ferme ruinée aux abords de Sigean, dans la solitude solaire qui enchantait depuis plusieurs saisons Yvette et François. Il fallut une grande ténacité pour transformer en une maison aussi agréable qu’hospitalière l’amas de pierres désolées, mais, participant passionnément à la vie locale, ces « gardiens de la mémoire » ont gagné leur pari et là, au crépuscule, quand le vent joue dans la petite forêt méditerranéenne que la maîtresse des lieux a plantée de ses mains, semblent s’élever, comme en écho, les accents bouleversants de la voix de haute-contre de Henri Ledroit.



texte écrit par Jean-Pierre Piniès

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