Patrick Chapert-Gaujal,
La mémoire de la mer

Au plus loin dans le temps, la mer - au vrai ses plages - est ce royaume, qui s’étend du Barcarès à La Franqui, que l’enfant puis l’adolescent parcourra longuement, fasciné par le ressac et tous les objets qu’il reprend, qu’il ramène, insolites trésors souvent à peine visibles et qui attendent qu’un créateur leur donne sens. Plus tard ce sera lors d’un long séjour en Suède que la quête se poursuivra, mais le principe en est déjà écrit : explorer sans cesse, dans une curiosité infinie, les multiples formes que la matière offre à l’artiste. Le bois d’abord, qui servira à l’érection d’improbables totems, mais très vite, selon son mot, tous « les laisses de mer », débris, éclats, matériaux au rôle parfois muet à qui il s’agira de donner une nouvelle vie. Puis, plus tard, au fil des saisons, la quête s’étendra pour donner lieu à de multiples productions,  des tableaux minuscules aux réalisations monumentales, des fragments rouillés aux immenses  sculptures en inox où la lumière se joue de tous les pièges, des peintures ou des collages qui enchevêtrent sur les toiles des myriades d’objets aux dessins contenus dans leur cadre, des installations toujours prêtes à défier le temps aux incursions éphémères empruntant tous les sentiers de la création...

Car le défi de Patrick Chappert-Goujal est double, qu’il s’agisse de l’affrontement permanent avec la matière ou de l’incessante quête de la nouveauté. A la première il s’agit de donner un sens, de retrouver ou de créer les harmonies et les désirs qui la dévoilent ou  signifient ses perspectives. Mais, pour ce faire, s’éloignant du trivial et de l’évident, il choisit la voie de l’abstraction qui lui  permet d’aborder les rivages les plus fertiles, où se révèlent toutes les facettes du concret. Corollaire impératif de cette volonté, le mouvement interdit la répétition et le figé. A peine parcouru un champ, la création en demande de nouveaux et chaque œuvre, portant en elle même sa fin ne devient qu’ouverture vers l’inédit et la découverte des multiples chemins où s’écrit le langage silencieux des choses. Il appartiendra ensuite au regard des autres, au long des expositions du plasticien ou des commandes d’assigner aux œuvres leur destin et leur place au monde.

Pendant ce temps, ne le quittant que pour de fructueux compagnonnages et d’errantes collectes, Patrick Chappert-Goujal travaille dans le silence de l’atelier. Mais comment nommer ce lieu qui tient du capharnaüm, de la caverne au trésor, du dédale et du laboratoire où flottent les parfums chimériques de la jeunesse, dont le goût jamais oublié pour la biologie ? Cartes marines, fantômes de bois, vis, bouées, accumulations de toute sorte, l’hétéroclite ici attend son heure et la fulgurance des rencontres qu’organisera le démiurgique maître des lieux. Dans ce miroir du monde, dans la petite crique que hantent les grands pins, au pied de la falaise blanche, à peine assourdis par le ressac des vagues, formes oubliées et mélancoliques, les objets attendent, sans impatience, leur métamorphose.     



texte écrit par Jean-Pierre Piniès

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