Au plus loin, la mémoire garde intacte l’émerveillement des longues randonnées avec le père forestier, des milliers de cèdres plantés sur les flancs de la Kabylie, des petits barrages rudimentaires construits dans les oueds, le regard attentif de la mère passionnée de botanique. Puis, après des années d’école normale et d’enseignement de l’éducation physique, ce fut le retour en France, en 1946, sans que les liens avec la jeunesse, construits dans le scoutisme laïc des « Eclaireurs de France » ne s’estompent. De camps locaux, en missions à travers toute l’Europe au service de sa cause, la militante y entretient le don de soi, la générosité, la persévérance, mais aussi la passion de la Nature et de la connaissance du milieu.
Car, très tôt, bien avant l’heure des modes, Magali David a entamé le combat pour la protection de la Nature : participation à l’aménagement du littoral, création d’une section de la Société de Protection de la Nature Comité de l’Aude, membre de toutes les commissions consacrées à la protection de la flore, de la chasse, de la pêche, des étangs... rien de ce qui concerne les rapports de l’homme et de son milieu n’a échappé à cette « écologue » qui a toujours expliqué aux politiques que la Nature n’appartenait à personne et que tous devaient se sentir responsables de son avenir et de sa sauvegarde. Fallait-il aussi, inlassablement, s’efforcer de vaincre l’indifférence ou l’hostilité des hommes, refaire les sentiers, les signalisations botaniques, les tables d’orientation mis en place çà et là avec des équipes de bénévoles. Mais, au cœur, de cette prodigieuse action menée sur plus de six décennies, l’organisant, la Clape, le massif sacré, guetteur entre terre et mer, y garde sans doute la meilleure place. L’arpentant en tous sens, scrutant la moindre de ses failles et de ses recoins, observant toutes les formes de vie qu’il renferme, elle a participé à son classement en 1973 avant de consacrer à ce territoire une somme, Ma Clape, terre secrète, qui permet d’en découvrir toutes les facettes et tous les mystères, depuis les premières occupations de l’homme jusqu’aux problèmes contemporains, en passant par une étude détaillée des richesses de la flore, de la faune, de la géologie... montrant assez la diversité des richesses de cet original royaume qui abrite encore des espèces végétales uniques au monde, telle la centaurée en corymbe. Puis en 1991 vint le couronnement de l’effort avec la création de la Maison de la Clape à Vinassan, lieu incontournable pour les curieux ou les savants, regroupant la myriade d’études et de rapports suscités par le massif et plus largement par la défense de l’environnement dans la Narbonnaise.
Après les longues randonnées le royaume s’est fait souvenir, entretenu au fil des saisons, dans la maison de Vinassan, par le miracle « du jardin des fées » où les fleurs et les fruits enchantent le secret des sentiers et des cabanes, pendant que dans le salon, au crépuscule, coussins et objets exotiques renvoient aux rêves de l’enfance.
Magali David, Ma Clape, « terre secrète », Narbonne, Graphisud, 1999 (1° édition 1988).
texte écrit par Jean-Pierre Piniès