Ce sont les hasards de la guerre puis de la Résistance - mais y a-t-il vraiment un hasard ? - qui firent s’installer à Port-la-Nouvelle ce Vosgien qui, la paix revenue, dans une France démunie eut l’idée d’entreprendre le commerce de linge et de tissu avant d’ouvrir un bazar, « dans lequel on trouvait de tout », des mouchoirs jusqu’aux livres, et dont la vieille Ford ne tarda pas à sillonner les marchés locaux. Mais une autre passion animait Georges Duret, celle du théâtre et, avec de nombreux complices dont le peintre Piet Moget qui peignit les premiers décors, il monta une troupe de comédiens amateurs, « Cers et Marin », en l’honneur des vents qui soufflent sans cesse sur la Narbonnaise. Tout ce qui comptait d’esprits curieux et cultivés dans la petite ville participa à une aventure qui excéda très vite le plan local et amena la compagnie à se produire dans toute la France même si elle préférait les ciels méditerranéens. Son répertoire, très éclectique, allait d’Agatha Christie à la Carmen de Bizet en passant par nombre d’auteurs classiques ou contemporains, et dans ce microcosme convivial le dentiste comme l’érudit mettaient la main à la pâte avant d’entrer en scène, femmes et enfants trouvant toujours une tâche à leur mesure. L’aventure devait connaître son apogée en 1974, avec les fêtes du cent trentième anniversaire de la fondation de Port-la-Nouvelle et les reconstitutions historiques spectaculaires, mais, peu à peu, la télévision et les nouveaux loisirs minèrent l’enthousiasme qui avait animé les comédiens, mettant fin à une aventure de plus de vingt ans, la médiathèque de Port-la-Nouvelle, Espace culturel Georges Duret, à la mémoire fidèle, se donnant, cependant, le nom de l’animateur infatigable.
Figurant de « La garde montante » ou petit rôle dans Misère et noblesse, le fils, Michel, connut dès l’enfance la griserie des planches avant celle que peut procurer l’écriture d’aventures romanesques, à l’abri de son pupitre, à un jeune pensionnaire rêvant de pirates et de trésors. Mais c’était sans compter avec une autre passion, celle du dessin et de la peinture, nourrie par les expositions d’art contemporain organisées par Piet Moget au Foyer Municipal et où défilèrent les plus grands noms de la peinture moderne. Puis, non sans mélancolie, c’est l’adieu au dessin pour une autre passion aussi dévorante, celle du livre et de la librairie, préférée, après des études à l’Ecole Supérieure de Commerce, aux mirages du profit car elle s’inscrivait dans un univers patrimonial, et intellectuellement fructueux. Dans la richesse de son dédale (on y trouve souvent des titres précieux et disparus) qu’éclaire la lumière chaude d’un patio à l’espagnole, avec sa table de bois qui est une invite permanente à l’écriture, la librairie de Michel Duret est le magnifique exemple du cabinet de « l’honnête homme », tel que le concevaient les Encyclopédistes, ouvert à tous du simple écolier à l’érudit, offrant le bonheur des trouvailles et la convivialité, jamais prise en défaut, d’un hôte amoureux des livres et des arts.
CONTACT :
Librairie Duret
237 r Industrie
11210 Port-la-Nouvelle
04 68 48 01 32
texte écrit par Jean-Pierre Piniès