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Daniel Fabre.
Territoires, à l’orée du présent.

Baignée par les jeux de lumière des saisons, insaisissable dans sa diversité de monde populaire disparu, la rue des Bons Enfants, à Narbonne, demeure l’horizon indépassable, dans ce quartier où les places portent des noms de fée, où les garçons abritaient leurs jeux sous les chapiteaux du Premier Empire romain. Années heureuses et fertiles de l’enfance, avec pour contrepoint les étés de la Montagne Noire, dont la mémoire ne conserve que les pépites les plus précieuses.

Puis le lycée, à Carcassonne, les humanités, avec, en fin, la double découverte de celui qui deviendrait un maître, René Nelli, et d’un livre de Robert Mandrou, De la culture populaire en France au XVII éme et XVIII ème siècle. L’ouvrage donnait aux gestes et à la saga du quotidien ses lettres de noblesse, tandis que René Nelli ouvrait à l’émerveillement du monde en enseignant les vertus d’une pensée non affranchie et d’une curiosité qui allait des troubadours et des cathares au surréalisme en passant par l’ethnographie. Passé le cap des études universitaires, s’ouvre le champ, choisi, de l’anthropologie et de ses richesses. Avec, en premier, l’enquête sur la tradition orale dans les Pyrénées audoises, source d’une collecte exceptionnelle de plusieurs centaines de contes, qui prélude à une vaste synthèse identitaire sur la société rurale de La vie quotidienne des paysans du Languedoc au XIXèmesiècle. Viennent ensuite, nourries les unes par les autres, plusieurs thématiques dont un ensemble sur l’émergence de la jeunesse avec ses corollaires, le carnaval ou les rituels en liaison avec les morts. Chemin faisant s’offrent de nombreuses autobiographies qui conduisent à explorer un autre champ aussi fécond, celui de l’écriture, que Daniel Fabre parcourra sous toutes ses formes, partant de ses manifestations les plus humbles pour arriver à une véritable anthropologie de l’écriture de soi et du travail l’écrivain. Plus récemment se sont ouverts d’autres chantiers dont l’analyse de formes de l’art étrangères aux canons de l’esthétique dominante, incluant l’art primitif ou populaire, comme celui des fous ou des enfants…

Mais pour ce chercheur à la stature internationale, directeur à la prestigieuse Ehess à Paris, enseignant à l’Université de Rome, la polysémie des intérêts va de pair avec l’échange avec les autres sciences humaines, de la linguistique à l’histoire mais aussi avec la biologie et surtout l’archéologie devenue un lieu à interroger dans son inscription sociale et son imaginaire. Mais à chaque reprise la distance nécessaire à l’étude sait faire sa place à l’implication personnelle et, comme dans l’exemple le plus spectaculaire, qu’est la fête mêler intiment le temps de l’analyse et celui de la participation ludique.

Loin enfin des images convenues, toute l’œuvre de l’ethnologue montre à l’envi que loin de s’enfermer dans une contemplation désuète de l’archaïque il joue, au contraire, attentif au bruissement du monde, le rôle de passeur, déchiffrant le présent en ce qu’il annonce l’incertain des énigmes de l’avenir.      


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garae.hesiode@wanadoo.fr

texte écrit par Jean-Pierre Piniès


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