Jean Guilaine, archéologue,
Le discours des origines

Indépassable, l’horizon de l’enfance, inscrit à jamais dans l’histoire, ou plutôt dans la passion de l’histoire, le jeune garçon  enthousiasmé par les récits que lui fait son père du passé de la nation, mais aussi émerveillé par ce que Carcassonne lui offre comme vestiges, la Cité médiévale, dans son rêve de pierres, achevant d’idéaliser cette traversée du temps. Mais ce qui compte sans doute le plus, dans la vocation, c’est la découverte de la matière et des lieux. La matière d’abord, observée à Villebazy, le village maternel, avec les processus d’érosion qui la transforment, la vision des bancs de poudingue d’où lentement émergent des galets. Puis le monde chthonien avec la visite des grottes de Limousis, dans la Montagne Noire, avant l’incursion au parfum d’aventure patrimoniale, dans la cavité obscure de la Cauna Trovada , là encore à Villebazy. 

Avant tout ce qui importera à l’archéologue c’est de comprendre un paysage matériel et mental plus que de collectionner restes et objets, comme le firent les « antiquaires » des siècles précédents. Se tournant vers les grandes synthèses, il s’efforce, au fil d’ouvrages fondamentaux à montrer comment le néolithique, au cours des dix derniers millénaires avant notre ère, a renouvelé complètement l’organisation sociale et culturelle de l’humanité, comment les sédentaires domestiquant animaux et plantes ont succédé aux cueilleurs et aux chasseurs. Ainsi  se montre t-il attentif à l’environnement de ces premiers bergers et paysans, au mégalithisme, à la mise en place des sépultures, au rôle et au fonctionnement de la violence dans ces groupes sociaux…

Lire les temps aussi lointains c’est parcourir de vastes espaces pour affiner ses hypothèses et ses théories, et toute l’Europe du Sud servira de champ à la recherche, la Méditerranée, à laquelle sera consacré le bel ouvrage, La mer partagée, servant de lien et de lieu privilégié. La mer c’est aussi un autre horizon de l’enfance avec les séjours répétés à Port-La-Nouvelle, annonçant la place que ce territoire tiendra, plus tard, dans le parcours du chercheur. La Narbonnaise, en effet, ce sont des hommes prestigieux, dont l’œuvre fut capitale pour les progrès de la préhistoire comme Paul Tournal, fondateur du Musée et de la Commission Archéologique de Narbonne, ou la dynastie des Héléna, chercheurs et collecteurs impénitents. Et c’est à Jean Guilaine qu’il appartint de mettre en valeur leurs travaux en publiant leurs fouilles, en organisant le musée et en faisant de la ville, à plusieurs reprises, le siège d’importants colloques archéologiques. A ce travail considérable s’ajoutèrent de nombreux chantiers, dans les grottes de Bize, de Gruissan, sans oublier les explorations de l’habitat noyé de la Corrège à Leucate, de Médor à Ornaisons, la grande campagne de carottage dans les étangs du Petit Castélou ou à La Nautique… Œuvre fructueuse donc, qui concourt à faire de ce territoire un  espace exceptionnel pouvant rivaliser, sans peine, avec le triomphe, postérieur, de la romanité.         

         



texte écrit par Jean-Pierre Piniès

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