Gilbert Larguier
L’espace et la mémoire

A la ligne droite et à l’évident, le hasard et le bonheur des circonstances font souvent écho. Ainsi en est-il allé de la carrière de Gilbert Larguier, éminent historien du Languedoc et de l’Europe méridionale, d’abord investi dans une recherche au Vietnam avant que le destin et la nécessité ne lui fassent rejoindre Narbonne dont il fera, en bonne part, l’épicentre de ses travaux. Sans doute sont-ce les promesses et les questions de ce territoire inconnu qui vont susciter une recherche aussi fructueuse que précieuse. Mais avant tout, et en même temps, c’est le compagnonnage et la prévenance tutélaires d’aînés illustres, de Louis Dermigny à Emmanuel Le Roy Ladurie, qui vont contribuer à la formation de l’historien. Maîtres aussi bienveillants qu’exigeants ils vont l’aider à acquérir une maîtrise de la discipline longuement enrichie par une curiosité personnelle jamais prise en défaut qui suscitera un chemin d’histoire singulier.
En effet l’attachement à un espace ne sera jamais une contrainte pour une recherche qui ne s’enferme pas dans le carcan de la taxinomie, parcourant au gré des intérêts et des questionnements histoire médiévale, moderne ou contemporaine, faisant son miel aussi de tous les apports de la géographie pour mieux lire les transformations du paysage. Le même souci de diversité se retrouve au long de la thématique de l’œuvre. Si le noyau dur en reste l’étude, fondamentale, des formes et des variations de la fiscalité, des compoix, de l’organisation politique de la cité, de l’émergence et de la mise en place du pouvoir, une large place est faite à l’économie, « du drap au grain », en passant par la vigne, la pêche, l’alimentation… Outre la polyphonie qui fait explorer avec bonheur cette variété de sujets, une autre des volontés de l’historien est d’interroger l’évidence du non-dit ou de l’accepté comme tel, soit scruter tout le champ que l’apparence peut laisser à l’imaginaire. De là, sans doute, la profusion de découvertes qui signifient la fin d’autant de mythes. Evoquer le quasi désert que constituait la côte languedocienne, du Moyen Age jusque dans les années 1920, montrer la place que la mer occupa autrefois dans des terres qui l’ont oubliée, mettre à jour, au-delà du légendaire contemporain, les péripéties qui empêchèrent le Canal du midi de passer à Narbonne, autant de déchiffrements qui permettent de donner sens aux regards de la modernité.
Car, et là aussi résident sans doute sa valeur et son originalité, le chercheur, fin connaisseur du passé, investit en permanence les cercles du présent. Le silence des archives et du cabinet de travail sait laisser la part nécessaire à l’engagement : enseignant naguère de collège puis de l’Université, estimé par ses élèves et ses étudiants, frottant ses théories à celles de ses pairs au long du monde, Gilbert Larguier sait aussi se faire attentif aux questions que se posent les acteurs du territoire, leur apportant, généreusement, une aide que l’étendue et la richesse de son savoir rendent indispensable à la lecture du quotidien.

Contact
Gilbert.larguier@wanadoo.fr

texte écrit par Jean-Pierre Piniès

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