Corinne Mercadier, photographe.
Méandres du vent, méandres du temps.

  Village sur son promontoire, battu par les tempêtes et les embruns ou balayé par les souffles brûlants venus du plus lointain des terres, guetteur impassible qui semble narguer les éléments, îles que les pêcheurs ont abandonné à leur pauvreté, objets érodés et mutilés que rapporte inlassablement le ressac, silhouettes incertaines des lagunes que dessinent les saisons, le lieu de la genèse est marqué par les fluctuations, les doutes, le mouvement comme si, au plus profond de ses formes, l’aléatoire restait le maître, métaphoriquement incarné par les caprices du vent.

Toute l’œuvre se donne à, lire sous ce double signe du lieu, source répétée depuis l’enfance, et surtout du vent, ordonnateur des tumultes et des frémissements du quotidien, dont seule la photographie, métonymie de « l’instantané » et du fugitif pouvait, au moins un temps, donner l’illusion qu’elle allait en rendre compte. Lui seul a pouvoir sur les constructions éphémères qu’il autorise la nature à élever, dans le vertige des hauteurs comme dans les traces à peine perceptibles dont il griffe le sol. Dans le même temps il détruit et transforme à sa guise comme dans les monuments d’Arles au visage de Mur des Lamentations, lancées dans une course poursuite au long des toits, comme dans l’infini des plages des étangs et du littoral de la Narbonnaise, où s’agitent des ombres aux visages masqués par des voiles qui semblent toujours prêts à se transformer en nuages. C’est encore sa présence que l’on sent quand il agite, faiblement, dans la poussière jaunie de la lumière, le pli d’un rideau, la robe abandonnée ou la chemise qui vacille sur son cintre tandis que plus loin, inaudible à force de silence, on devine le mouvement qu’il imprime aux portes et aux fenêtres de l’été.

Il y a ainsi quelque chose de vain dans toutes les tentatives pour lui échapper, une résistance futile que multiplient en vain les volumes, panneaux de toile qu’il emporte, grands tissus patiemment cousus dont il se nargue, sculptures qui paraissent se vider de leur être ou qui n’existent que dans leur transparence et le soin qu’elles mettent à obéir, en se pliant à ses désirs, au désordre du monde. Multipliant les gestes et les défis, prompte à toutes les ruses, in ventant d’impossibles équilibres, même la danseuse du Huit envolé se fait annonciatrice d’une défaite dont elle exalte les parfums. Quant aux Autres, partagés dans la silhouette, le non-dit, le silence, ils ne sont que comparses muets, témoins de cet autre monde qui existe  par delà des choses et dont la photographie ne saisit que quelques signes. Souvenirs inachevés ils ressemblent aux esquisses que ce maître de la Renaissance traçait, les multipliant avant de se lancer dans l’aventure de grandes fresques, elles mêmes s’efforçant de cerner le foyer d’où jaillit la lumière et la fluctuation des ombres, dans une palette qui va des rouges les plus profonds aux noirs dont ils annoncent les ténèbres lumineuses, sachant qu’à leur tour il seront les victimes du temps.      


Jalons.

- Paysages, 1992-1994.

- Où commence le ciel ?1996.

- Intérieurs, 1999.

- La suite d’Arles, 2003.

- Le Huit envolé, 2006.

A participé à l’ouvrage collectif : La Narbonnaise en Méditerranée, regards croisés sur un Parc naturel régional », 2006.

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Site : www.corinnemercadier.com

texte écrit par Jean-Pierre Piniès

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