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Jacques Michaud
L
e théâtre de la mémoire

Tout homme tisse avec la ville de son enfance des liens forts, mais, parfois, le destin de certains se confond avec ce lieu originel au point qu’ils en apparaissent, tel Jacques Michaud pour Narbonne, comme les représentants emblématiques et les gardiens les plus fidèles de l’identité. Au début ce sont les jeux dans un quartier parsemé de vestiges romains, puis les riches découvertes dans une ville où les multiples traces architecturales se font évocatrices, les premières fouilles avec l’archéologue Philippe Héléna, décisives quant au choix de l’Histoire comme discipline. Le hasard des études conduit au droit romain sans que s’épuise, au contraire, l’intérêt pour l’histoire de l’ancienne capitale de la Septimanie, ses racines romaines, les splendeurs de la civilisation médiévale et la magnificence d’un ensemble qui court de Rome à Tolède, mais aussi pour la succession des évêques de Narbonne, les rituels ecclésiastiques…

Cependant, au lieu de s’enfermer dans le silence paisible de son cabinet et de se cantonner au passé, le savant estime que l’Histoire a aussi pour rôle d’éclairer notre présent et de lui donner sens. La première tâche est donc, selon lui, de rappeler et de faire revivre les diverses formes de sociabilité, religieuses et civiles, qui ont fait l’originalité et la force de la Narbonnaise, à travers des cérémonies et fêtes commémoratives encouragées par les hautes autorités civiles ou ecclésiastiques, selon les cas: plantation d'une vigne à la Trinité des Monts à Rome, après une audience du pape, et en présence des représentants diplomatiques de la France et de l'Espagne et des autorités romaines; splendides et émouvantes... En effet, le respect de la mémoire et de ses symboles les plus forts est l’autre mission de l’historien, homme plongé au cœur de son temps, qui préside depuis plusieurs décennies au destin de la prestigieuse Commission Archéologique et Littéraire de Narbonne, très engagée  dans la défense du patrimoine. Aussi lui revint-il, à plusieurs reprises (déplacement de la statue de Ferroul, lutte contre des hérésies architecturales, film publicitaire tourné dans la cathédrale au déni du droit…) de prendre la tête de croisades contre les errements d’autorités ignorantes du passé.

Demeure le havre où se conjuguent les vertus de l’érémitisme et celle de la sociabilité du cœur et de l’esprit : l’abbaye de Fontcaude. Bâtie au XIIéme siècle, tombée en ruine, elle fut sauvée par une association de défense dont Jacques Michaud apparaît comme l’âme : haut lieu du chant grégorien, espace de rencontre, vitrine sans prosélytisme des décors du temps liturgique de l’ancienne Narbonnaise, dans ce site magnifiquement restauré et protégé, les hommes du présent retrouvent, selon le désir de l’historien, les racines essentielles du passé.


texte écrit par Jean-Pierre Piniès

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