Pierrette Bloch,
Quelque chose d'imprévu

Depuis le balcon florentin qui semble défier l’étang, peuplé de meubles que les saisons ont pétrifié dans la blancheur, les yeux très clairs de l’enfance, à jamais présente, scrutent, si proche et si lointaine, la transparence du monde. Mais, pour Pierrette Bloch, contingents, les lieux n’influent guère sur la création, les illuminations et les hasards. Pézenas hier, Bages aujourd’hui, ne sont que haltes fortuites même s’ils répètent quelque peu, à leur manière, la découverte de la lumière intense où s’évanouissent les couleurs de la campagne d’Aix-en-Provence, et ils ne sauraient lutter contre le havre originel et essentiel, Paris. La petite fille y traversa en partie les horreurs de la guerre, se faisant maîtresse du royaume des livres et de la lecture, animée d’une passion que de tristes sorbonnagres, sans l’éteindre, empêchèrent peut-être de s’épanouir. Et c’est dans l’atmosphère toute particulière des ateliers de peintres qu’elle trouva son chemin, celui  de Jean Soubervie, d’André Lhote puis de Henri Goetz qui lui donnera le conseil essentiel d’être indifférente aux écoles et de n’élire que ses voies.

Dès lors s’initie une aventure aussi singulière que fructueuse qui voit l’artiste s’essayer, en fonction de désirs inattendus et de découvertes, à différentes techniques, abandonnant assez vite la peinture à l’huile pour les collages, avant d’user de matériaux que le hasard objectif avait placé à côté d’elle, tels des amas de crins. Se transformant en arabesques ou en constructions linéaires, donnant lieu à de multiples figures, ils sont sans doute moins grammaire de formes ou substrats calligraphiques qu’esquisses du mouvement saisi dans son essence, tel que Pierrette Bloch avait déjà entrepris de le saisir, auparavant, à travers les gestes d’un mime. Puis, en même temps, ensuite, à nouveau, ce sont les taches, les lignes, les accumulations, d’apparentes spirales qui sont, en fait, les concrétions imprévues qui naissent de la rencontre des outils, crayons, encres, pastels et d’un imaginaire qui s’interdit les frontières au bénéfice du fortuit et de l’inattendu. De la complicité entre grandes feuilles empruntant à toutes les nuances du blanc, cédant au contraire, parfois, au noir profond, en passant par tous les supports qui s’offrent à l’expérience comme l’isorel et ses mares d’encre, se met en place une œuvre qui ne connaît que son passé tant les aventures du corps et de la main, aussi riches qu’épuisantes, ouvrent au possible et à l’infini les sentiers de la création. Points, boucles, nœuds, traces, coulées… rien ne se répète dans cette sculpture incessante du temps, dans ces espaces oblatifs où le monde inscrit les signes que le créateur capture et construit au plus près de l’Être.

Ainsi dans le silence de pièces dépouillées, ici ou là, blanchies de la même chaux,  dans le ressassement luxuriant du nouveau et du surprenant, un shaman de perles, personnage de l’art africain, veille au bruissement et aux allées et venues de la main assignant aux formes leur précaire destin.          



texte écrit par Jean-Pierre Piniès

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