Combes obscures au jour que hantent les sangliers, cimetières déserts des serres dénudées, chemins perdus à travers la frontière, villages dont seuls subsistent les noms, grottes jadis habitées, enfouies de buissons où ne résonne plus que la rumeur des légendes, sources tues, puits à peine devinés, immenses bassins naturels où paissaient les troupeaux… entre mer et hauts plateaux, royaume des garrigues coulant parfois vers les vignes, ce territoire, au sud des Corbières, demeure pour celui qui le parcourt ou plutôt, qui l’aperçoit, tant il est inextricable, un mystère. Il faut, pour le lire, des clés, et Marc Pala, passionné, chaleureux et attentif, est certainement le meilleur guide, dont la générosité permet les plus belles approches de ces paysages déployés au cœur du monde.
En effet il est celui qui sait, quel que soit le domaine de la connaissance, et celui qui montre, qui, sous un amas de pierres découvre un point d’eau, évoque dans un abri sous roche la promiscuité ancienne des hommes et des bêtes, commente l’appareil de murs de défense d’ouvrages romains ou médiévaux, explique à l’aide de fragments de roche les ruptures du paysage et son évolution, rapporte les récits de traditions orales sur les géants ou les fées qui ont laissé à leur tour leurs empreintes, signale la présence des premières civilisations, leurs cultes et les vestiges qui demeurent de leur passage… Parcourir le territoire avec lui c’est voir ce visible dont il déchire le voile qui nous le rendait imperceptible, et, pour cela, il a arpenté les cartes les plus rares, celles qui dorment dans l’ombre des cabinets mais aussi les plus précieuses, les cartulaires de l’imaginaire et les correspondances qu’il tisse, dans une immense dérive langagière, entre la toponymie, les formes, les traces et les symboles. Plus proches de nous il donne à lire la mémoire d’activités à peine effacées, fours à chaux, charbonnières rouillées mais à la forme générale intacte, drailles empruntées par les transhumants ou les pasteurs du quotidien, minuscules jardins à demi sauvages qui permettaient de résister aux disettes, cabanes des derniers nomades de la garrigue comme celles des bûcherons ou des charbonniers.
En même temps l’immensité de ce savoir est le fait d’un homme parmi les hommes, vivant de son métier de vigneron, impliqué dans la vie de la cité, toujours prêt à faire partager un émerveillement au monde qui est, au demeurant, le fruit d’un long périple qui débute avec une enfance heureuse en Algérie puis se poursuit dans la lente et initiatique découverte du territoire au-dessus de Sigean, de l’ombre apaisée de la vallée du Rieu à la sécheresse solaire des garrigues et des hauts plateaux. Itinéraire qui a connu aussi ses épisodes exotiques, avec des voyages de formation en Afrique et en Inde, pour exorciser l’ennui et la désolation de l’école et de l’Université, puis le retour dans l’espace où s’incarnent les rêves dans une approche des choses et des êtres qui prend, dès lors, le visage d’une véritable géopoétique..
Publications
L'homme et la garrigue. Images et mystères, édition des Amis du Patrimoine Culturel de Sigean et des Corbières, 1995.
Vents de Nulle part et d'ailleurs. Essai sur la mytho-poétique des vents, édition de Babio, 2001.
CONTACT :
38 rue du quartier neuf
11130 Sigean
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texte écrit par Jean-Pierre Piniès