texte écrit par Jean-Pierre Piniès

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L’abbé Jean Pauc
De l’art sacré au cimetière marin

Comme déchiré, et pourtant amenant la paix en l’une et en l’autre, Jean Pauc eut deux patries, Carcassonne et Narbonne ou mieux le Narbonnais et surtout Gruissan. A Carcassonne il fit ses études au Petit Séminaire, y découvrant les valeurs du scoutisme avant de revenir dans le même établissement, après des études à Toulouse et son ordination. A la fois économe et professeur d’histoire, il sut se faire le confident et le soutien de nombre de pensionnaires que l’initiation aux arcanes de l’art qu’il leur prodiguait consolait de l’éloignement de leur famille. Les hasards du sacerdoce le conduisirent ensuite à Narbonne, où d’abord vicaire de Saint Just, il devint ensuite aumônier des collèges, des lycées et des Guides de France.       

Les devoirs de sa pastorale ne le tinrent jamais pourtant éloigné de la recherche historique, en particulier dans le domaine des arts. Membre éminent de la Société des Arts et Sciences de Carcassonne, il fut aussi très actif à la Commission Archéologique de Narbonne qui publia la réédition, qu’il avait préparée, de l’étude historique sur Gruissan de Julien Yché ;  on lui doit aussi, dans la même veine, une belle monographie consacrée à Notre Dame des Auzils. Mais, en ce domaine, l’érudit se doublait d’un homme d’action et, le moment venu, il lui échut naturellement de prendre la suite du chanoine Sarraute à la Commission diocésaine d’art sacré puis d’être nommé conservateur des Antiquités et objets d’art de l’Aude. Multipliant les sauvetages de pièces à l’abandon, organisant des expositions sur les richesses d’art sacré du département, impulsant les restaurations, le retable de notre Dame de Saint Just ou les toiles de Gamelin, il s’investit totalement dans cette volonté de « révéler l’Invisible par le visible ».       

Néanmoins c’est sa nomination à la cure de Gruissan, de 1966 à 2002, qui lui permit de réaliser, dans leur plénitude, tous ses engagements. Pasteur des pêcheurs, partageant leur quotidien, il s’éprit de ce monde difficile où la fréquentation de la mer trempait les caractères les plus forts. Respectueux des usages et des dévotions populaires, la grande fête de la Saint Pierre par exemple, il sut redonner vie et éclat au cimetière marin dominé par la chapelle des Auzils. Ainsi chaque année, les lundis de Pâques et de la Pentecôte, il guidait de ses chants et de ses prières le long cortège des pèlerins, s’arrêtant à chaque cénotaphe, tombeau vide érigé à la mémoire d’un disparu en mer, avant de gagner la modeste église, juchée sur la colline dont il avait organisé la restauration. De même, grâce aux photos qu’il en avait pris, il arriva à faire repeindre, à même les murs, en trompe-l’œil, les ex-voto marins qu’il avait rassemblés et qui avaient été volés. Aussi nombreux sont les pèlerins qui, aux grandes fêtes religieuses, sur le chemin caillouteux du cimetière marin, croient voir, dans l’ombre des cyprès, sa silhouette blanche, veillant à jamais sur la petite communauté.               

texte écrit par Jean-Pierre Piniès

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