Poulet de Gruissan,
« Mon paletot aussi devenait idéal ».

Sans doute est-ce à l’affection de ses proches, attentifs à ce petit orphelin de mère un peu chétif, que Robert Garcia dut son surnom de « Poulet » qu’il arbora sa vie durant avec fierté, comme une bannière. Sans doute aussi est-ce cette tendresse, parfois peut-être un peu trop empressée, qui initie le destin de Poulet en lançant le tout jeune homme sur les chemins, à la découverte du monde. Comment comprendre, sans cette genèse, une vie faite de va-et-vient, d’éternels retours et d’éternels départs ? Est-il possible d’ignorer le paradoxe et la singularité d’une trajectoire où l’impérativité de l’errance le dispute toujours à la méditation cosmologique ? Cette dualité existentielle assumée il est possible, dans ces longs voyages parfois immobiles, parfois aux confins de l’exotique, d’accorder sa place au chronos.

Avec, port d’attache, lieu essentiel, Gruissan. Là, en compagnie de son complice, le cuisinier Serge Cals, Poulet va assigner, au Lamparo un nouveau sens aux nuits sans fin du village de pêcheurs. Là tout ce qui compte dans le monde des arts, de la chanson ou du cinéma, se rendra un jour  dès lors qu’il hante ses parages ou même viendra à la seule fin d’écouter la verve de l’un en jouissant, à la table, des talents de l’autre. Toujours avide d’horizons nouveaux Poulet saisit un jour l’occasion d’un cadeau, un vélo, pour se lancer dans une aventure hors du commun : la traversée du Sahara à bicyclette ! S’ouvrait alors pour le nomade invétéré une longue période de halte à la découverte du pays Krou, en Côte d’Ivoire : les couleurs, les paysages le séduisent, mais aussi et avant tout les gestes des hommes, leur quotidien, leurs peurs et leurs rêves tels qu’ils se disent dans les danses, les cérémonies, les contes… De ce long séjour Poulet ramènera un texte incantatoire où les observations ethnologiques se mêlent  aux mélopées poétiques chez celui, qui, adopté par ses frères Africains, se fit sur le territoire parfois gourou, toujours animateur infatigable, jamais comptable de son temps ni de son aide.

A son retour, dans Gruissan retrouvé, l’attendait sa dernière aventure, celle de Phare-Sud et de l’association qu’il créait, « Nuances, Formes, Langage ». Il lui revenait, sachant convaincre les édiles, de donner une nouvelle vie à un centre d’art un peu assoupi. Mettant toute son énergie dans l’aventure, avec l’aide d’une poignée de fidèles, aussi passionnés que lui, il ne tardait pas à gagner son pari, faisant du lieu un espace incontournable dont les cimaises ont accueilli, pendant dix ans sous sa houlette, une centaine d’expositions où se donnèrent à voir plasticiens, peintres, sculpteurs et créateurs du monde entier. A ce projet, aussi généreux que modeste, il sacrifia ses propres ambitions, le peintre et le sculpteur laissant place au démiurge bienveillant et éclairé, au poète et au critique d’art avisé qui a laissé le soin à quelques textes, très forts, de conserver la mémoire de l’homme et de l’endroit auquel il est indéfectiblement attaché.     



texte écrit par Jean-Pierre Piniès

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