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Raymond Sabrié
Les peintures de la mémoire

Vestiges de la Via Domitia, Clos de la Lombarde…impérieux pour les Narbonnais, incontournables pour les spécialistes ou les visiteurs, tels sont quelques-uns des somptueux vestiges de la Gaule romaine dont le Groupe de Recherches Archéologiques du Narbonnais (GRAN) a dessiné la topographie, sous la houlette, plusieurs décennies durant, de Raymond et Maryse Sabrié, merveilleux inventeurs de peintures murales qui comptent parmi les plus belles de cette époque et qui, par leurs soins, sont parvenues jusqu’à nous.

Le jeune garçon qui fouillait les ruines d’une abbaye de l’Aubrac en quête de fragments laissés par les verriers médiévaux se doutait-il de tout ce que son travail allait apporter à la connaissance de l’ancienne Narbonnaise ? Savait-il, plus tard, que l’amertume ressentie, en compagnie de sa femme, devant le pillage de la cargaison d’un bateau antique dont les débris étaient abandonnés au bord de l’étang de Mateilles allait susciter chez eux une véritable vocation aux figures ascétiques ? Car la reconnaissance des Sabrié n’est que le fruit d’un long travail, d’un apprentissage en autodidacte, nourri par une passion à laquelle ils allaient consacrer toute leur énergie et leur temps libre, suscitant beaucoup d’intérêt mais peu de disciples. Combien accepteraient-ils de recueillir avec le plus grand soin les multiples fragments d’enduit peint tombés au sol, dispersés, écrasés et foulés le plus souvent ? Combien sont-ils prêts à passer de longues heures, parfois stériles, à reconstituer sur un panneau, ne disposant que d’infimes indices et de vagues ressemblances, ce qui fut dessin lumineux ornant la salle à manger ou la chambre d’une maison gallo-romaine ? Sans compter qu’à l’excitation des découvertes succède le long travail de cabinet, l’étude minutieuse des matériaux mis à jour puis restaurés, sans lesquels les résultats resteraient délices un peu vains et futiles d’amateurs ou de collectionneurs. Ainsi le seul Clos de la Lombarde a-t-il suscité, sous leur plume, plus de cinquante articles parus dans les meilleures revues archéologiques, plusieurs volumes destinés à saisir ses détails et sa spécificité, autant de publications qui sont à la source de la renommée nationale et internationale des Sabrié. Appelés à la rescousse dans de nombreuses régions en France pour sauver des enduits peints, invités à communications dans divers séminaires à Paris, ils ont été aussi sollicités pour leur compétence au fil des années dans de nombreux pays européens, de la Suisse à l’Italie en passant par l’Espagne.          

Il suffit, pour comprendre cette notoriété, de parcourir au musée archéologique de la ville de Narbonne, émerveillés, les richesses qu’ils ont exhumées du petit quartier gallo-romain de la Lombarde, ouverture sans prix vers la civilisation romaine dans le sud de la France. Objets usuels découverts lors des fouilles, statues, mosaïques, et surtout peintures murales restituées, tout ici, dans un temps suspendu et retrouvé, ouvre les portes d’un univers aboli sur lequel veille, seul maintenant, Raymond Sabrié, mélancolique et fabuleux passeur de mémoire.  


Contact :

maryse.sabrie@sfr.fr

texte écrit par Jean-Pierre Piniès

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