Corinne Sanchez
Dans le surgissement des traces

Silhouettes colorées qui ornaient les livres, nombreux, du domicile familial, dessins, planches et vestiges, traces du parcours d’un archéologue du début du siècle dernier, déposés dans le grenier lumineux de la maison de l’aïeule, autant de prémices qui tinrent sans doute leur place dans la vocation de Corinne Sanchez. Avant les premières fouilles, dès l’enfance, dans le château médiéval de Montseret. Mais très vite la passion se déclina autour de deux pôles essentiels, le monde romain et Narbonne, commandés à leur tour par la céramique et l’expansion commerciale. Quelques années passées à Bordeaux l’éloignèrent de la Septimanie, encore qu’elle en profitât pour approfondir ses connaissances sur le commerce gallo-romain. Puis ce fut le retour à Narbonne et l’initiation du grand projet aujourd’hui en plein essor autour des ports antiques de Narbonne, dont elle est aujourd’hui l’archéologue responsable.
Entreprise un peu mythique qui hante, depuis des décennies, l’imaginaire tant des historiens que des archéologues travaillant sur ce territoire. Véritable Atlantide qu’évoquent souvent avec poésie les textes antiques, ces ports et installations maritimes ont pour la plupart disparu, enfouis sous l’eau ou sous les vases, emportés aussi par les caprices de l’Aude. Dès lors scrutant le moindre indice, reconstituant souvent avec une fidélité admirable, l’archéologue se transforme en véritable Indiana Jones usant de toutes les possibilités de la connaissance et de la rigueur la plus extrême de la science pour faire naître la splendeur d’un monde disparu comme les richesses et la variété de sa vie quotidienne. Là un immense vivier entourant une petite île où les convives se régalaient des poissons qu’ils voyaient s’ébattre laisse supposer la présence d’une grande villa qu’il reste à découvrir, ailleurs, arrachés à la boue et au silence ce sont des quais qui surgissent, accompagnés d’entrepôts, à un autre endroit, conservée grâce à l’eau qui en a protégé le bois, une épave se fait témoignage de ces navigateurs, affairés à leur commerce tout au long de la Méditerranée. A La Nautique, à Gruissan, au Castélou-Mandirac, les vestiges semblent attendre les chercheurs, points singuliers de cette constellation de mémoire qui s’étend de la mer et des marais jusqu’à Narbonne.
Individuel, fait de passion et de ténacité le travail de Corinne Sanchez est, en même temps, ouvert aux autres et au monde en permanence. Aux uns, au plus grand nombre, elle transmet le fruit de ses découvertes, elle nourrit le meilleur des rêves identitaires, pour les autres elle met en place une véritable propédeutique du patrimoine, expliquant à de jeunes collégiens la dimension collective des trouvailles, semant peut-être les graines de vocations futures. Enfin, avec ses équipes, faites d’amateurs enthousiastes et de chercheurs patentés, elle partage, sur le terrain, en toute complicité, la vie des indigènes, au long des jours les plus longs de l’été, le récit de leurs expériences donnant, dans ce temps immobile, un écho singulier à l’émerveillement des découvertes archéologiques.

Contact
corinne.sanchez@cnrs.fr

texte écrit par Jean-Pierre Piniès

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