Après une enfance paysanne dans le Tarn et des études à l’Ecole Normale d’Albi, Marie-Rose Taussac occupe plusieurs postes d’institutrices dans l’Aude (Coursan, Canet d’Aude, Grèzes…) avant de se spécialiser dans l’enfance inadaptée et de devenir directrice d’établissement aux environs de Paris.
De Gruissan elle fréquente d’abord les chalets avant de s’installer, plus tard, au cœur du vieux village. Très vite la « parisienne » qui s’est découvert une véritable passion pour ce monde préservé et un peu oublié sait vaincre les premières réserves pour se voir ouvrir toutes les portes des maisons. Ainsi elle est initiée aux secrets de la pêche, elle apprend à déchiffrer le langage et les gestes de ceux qui la pratiquent et se fait fine observatrice de leur univers, entamant une précieuse collecte auprès de la population. Partout, reçue avec confiance, on lui confie des documents et des objets qui lui permettront de dresser un riche tableau de la civilisation des pêcheurs et des navigateurs. Gruissan, en effet, ne comptait pas moins de 135 équipages au XIXème siècle qui parcouraient toutes les mers du monde et qui ont laissé de multiples témoignages : dessins et plans détaillés des bateaux, contrats, journaux de bord, correspondance qui lui ont permis de reconstituer le détail de cette vie disparue.
Moins exotique mais aussi importante l’organisation sociale et professionnelle et les archives des pêcheurs d’étang et de mer étaient assez mal connues jusqu’à ce que Marie-Rose Taussac, aidée de Madame de Pinel, en entreprenne le classement et établisse une copie du premier registre des Prud’hommes pêcheurs qui permettra de pallier ensuite la disparition d’une liasse, avant d’aboutir à la publication d’un ouvrage de référence devenu un classique. Sa deuxième grande passion est le château de Gruissan dont l’étude, exhaustive, a amené l’auteur, pour sa publication, à fréquenter toutes les grandes bibliothèques et les dépôts d’archives les plus prestigieux. Autant de centres d’intérêt qui ne sauraient faire oublier le goût pour la préhistoire, l’épigraphie, la collecte de tessons de céramique tout au long du rivage et dans la Clape…
Cette vie consacrée à la recherche ne s’est pas déroulée seulement dans la discrétion du cabinet de travail. Outre ses deux grands ouvrages Marie-Rose Taussac, qui a fourni de nombreux articles sur le monde de la mer à la revue Gruissan d’autrefois, fut pendant douze ans la bibliothécaire de la prestigieuse Commission Archéologique de Narbonne, elle a prodigué ses conseils lors de la reconstitution des fêtes traditionnelles de la Saint Pierre, patron des pêcheurs, donné une série de conférences sur les mêmes thèmes, participé à des émissions de télévision… Elle a aussi en permanence ouvert aux autres chercheurs ses archives, véritable trésor constitué de plusieurs dizaines de cartons de documents soigneusement classés et répertoriés. Faite chevalier des Arts et Lettres cette « artisane du savoir » représente pour beaucoup la figure la plus moderne de l’encyclopédiste dont la générosité et le savoir le poussent toujours à se mettre au service du monde.
Marie-Rose Taussac est décédée en 2008.
Bibliographie :
- De nombreux articles ont paru dans Gruissan d’autrefois, revue d’histoire dont Marie-Rose Taussac est membre fondateur.
- Les Prud’hommes de Gruissan, 1996 (épuisé).
- Le château de Gruissan, sa seigneurie, la population (785-1597), 2000.
texte écrit par Jean-Pierre Piniès