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Un ange passe / La croix de Matte Caude (Peyriac-de-Mer)

Pour un automobiliste qui circule en direction de l’Espagne, la colline de Mata Cauda se dresse en bordure de route, au niveau de Peyriac-de-Mer, juste avant d’aborder l’ancien étang de la Venderelle. Depuis peu, le lieu est balisé par un radar autoroutier et fréquenté par de jeunes dames qui arpentent le bas côté, qui passent et repassent. La croix repeinte en blanc est bien visible, 150 m à l’Est de la route, dans l’angle d’une vigne, au pied d’un tertre crayeux.

Un site, somme toute banal, où le 8 avril 1822, Pierre Pradel, paysan de Peyriac,  rencontra un ange.

Le récit des apparitions dictées par Pierre Pradel, illettré, fut consigné par François Salles dans un manuscrit de 14 feuilles reliées par un ruban bleu et transmis avec l’acte de vente de la vigne attenante.

La première apparition surprit Pradel en train de moissonner dans son champ de seigle de Mata Cauda un lundi de Pâques. « Je moissone de la misère, ruminait Pradel, tout se brûle, tout meurt; nous aurions bien besoin d'eau ».

Le « personnage ou ange » qui l’aborde, et lui parle en langue française qu’il n’entend pas bien, ne relève pas du canon de l’angéologie traditionnelle. Pradel le décrit comme « un petit personnage d’environ trois pieds, plus ou moins, d’une grande beauté, ayant le visage petit, habillé tout en jaune, tant des habits que des souliers et du chapeau même ; et il était tout luisant de ses habillements comme s’ils eussent été cirés ».

Après l'avoir sermonné et béni la terre qui « était en feu… extrêmement altérée », l’ange lui annonce la pluie dans trois jours, le salue de son chapeau et disparaît du côté du ruisseau.

Il le reverra dans la nuit du 12 avril au pied de son lit puis une dernière fois le 3 mai dans sa vigne de Pech Flourieux. En réponse au questionnement de Pradel sur son identité, le mystérieux personnage déclare trois fois de suite : « Je suis un signe que Dieu vous envoie ». L’ange lui transmet un message à la fois intime et pénitentiel qu’il devra garder « tout dans son intérieur » mais aussi d’ordre plus collectif en rapport avec les soucis du moment : une grande sècheresse et la perte de la dévotion religieuse.

L’ange réclame l’érection d’une croix à Mata Cauda et une procession d’action de grâce que Pradel peine à obtenir face à l’incrédulité du maire et du curé. Suite à l’intercession du Grand Vicaire de Narbonne, « Monsieur le Curé de Peyriac », au cours d’une cérémonie mobilisant « environ quatre mille âmes » venues des communes environnantes, bénit solennellement la croix de pierre que les frères Pradel ont fait tailler et élever « à leur frais et dépens ».

La religiosité populaire et sociale, toujours attachée aux rites agraires propriatoires, et la contagion des miracles eurent raison des réticences de la hiérarchie catholique.

Les années 1820 marquent une époque charnière de renversement des équilibres en pays narbonnais. La vocation céréalière de l’Aude est mise à mal par la concurrence et une nouvelle période de spécialisation régionale s’ouvre ; le vin devient un produit rentable, la vigne s’impose. C’est aussi une période de recul de la vie chrétienne en milieu rural scandée par les derniers grands sursauts de la religiosité populaire et régionale. L’ange de Mata Cauda précède de quelques années l’extraordinaire renaissance du culte marial ( rue du Bac 1830, La Salette 1846, Lourdes 1848…). Mais ici pas de relais pour la diffusion et l’amplification du phénomène miraculeux. La ferveur reste confinée puis finit par s’étioler. La dernière procession à Mata Cauda fut organisée en mai 1953 après une année particulièrement sèche.

Mais à Peyriac, en période de sécheresse, on entend encore quelques anciens dire : « Se cal anar a Mata Cauda ! »

De nos jours, les anges probablement passent encore mais plus personne ne les voit.

Bibliographie :

GIBERT  Urbain, 1973, La croix de Mata Cauda à Peyriac-de-Mer (Aude), Revue Folklore, 152.


texte écrit par Marc Pala


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