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La Tour contre la forêt / Le castrum de l’Hortoux (Feuilla)

Le castrum de l’Hortoux, appelé Tour de la Ville par les autochtones, n’était connu et pratiqué que par de rares amateurs. Antérieurement aux campagnes de désobstruction du site vers la fin des années 1990, il présentait un état d’abandon total, pareil à ces ruines d’Amérique centrale englouties par la luxuriance végétale ; seul le sommet de sa tour, couronné d’un buis pluri centenaire, émergeait de la frondaison des chênes verts.

Cette forteresse, dénombrée dès 1271, bâtie sur une éminence en limite des terres cultivables et des bois, semble défier la perspective stratégique par son emplacement curieux au pied d’abruptes falaises, au débouché d’un vallon aveugle. Quelques fonds de cabanes en pierre sèche, adossés au versant sud des ruines, se révèlent à un observateur attentif. Ils attestent de l’existence d’une petite agglomération à Hortoux comme le rapporte la liste des feux de 1342-44 de la viguerie de Béziers. Des tessons de céramiques médiévales, des carreaux d’arbalètes, des fragments de remparts démantelés à l’explosif…témoignent d’une longue histoire tourmentée liée aux vicissitudes de l’Ancienne Frontière franco aragonaise.

Un hommage de 1229 a sauvé de l’oubli un des premiers seigneurs des lieux, un certain Berengarius de Ortonibus qui en compagnie d’une trentaine de chevaliers narbonnais a prêté serment de fidélité au tout jeune roi Louis IX en visite, au terme de la première croisade contre l’hérésie cathare.

L’Hortoux plus que toutes ces autres communautés perdues des garrigues, à ciel ouvert, semble vouloir conserver jalousement dans ses inextricables emprises végétales les secrets de son histoire. Partout la densité des buplèvres, le foisonnement de ses lianes de salsepareilles entravent le mouvement et les velléités de découverte. Comme si les lieux par leur hostilité proclamée, entendent perpétuer leur refus à toutes contraintes de domestication et par ce biais nous révèlent un peu de la vie âpre et singulière de ceux qui tentèrent ici d’imposer une tour, un jardin, une « ville » contre la forêt et le sauvage. Une seule certitude réside dans l’issue de ce combat : Monsieur de Talairan, un seigneur qui tient le site depuis le XIVe siècle, dénombre en 1503, « Hartols, sans aucun habitant ».

La communauté se déplaça, emportant jusqu’à son nom « hameau des Hourtoux », quelques centaines de mètres plus au nord, en bordure du chemin des Corbières où ses vieilles bâtisses éveillent toujours le rêve des passants.

Le site primitif ne retourna pas pour autant au silence, occupé par des forestiers et des charbonniers, il perpétua une autre lignée, celle des seigneurs du bois ; là encore les structures anciennes : terrasses, loges, emplacements de fourneaux, sentes, passages aménagés sommeillent sous la chape verte de l’oubli ou dans la mémoire des derniers témoins.

Un angle du donjon carré aveugle, d’une épaisseur de plus de deux mètres, fut démantelé au début du XXe siècle par un chercheur de trésor. L’abandon et la perte d’une histoire que l’archéologie restitue péniblement avaient éveillé un merveilleux attaché à ces ruines et au nom fabuleux de Ville qui évoquait on ne sait quelle splendeur perdue : trésor, souterrain, statuaire…

Par le biais d’opulents propriétaires, le courtal de l’Hourtoux qui prit le relais du bourg castral conserva jusqu’au milieu du XXe siècle des limites domaniales presque aussi importantes que celles de l’ancienne seigneurie.

Au XIXe siècle, Augustin Marty qui récoltait sur le domaine 300 hl de blé et possédait un troupeau de mille bêtes sût préserver les bois,  assurant à l’Hortoux un bel équilibre environnemental entre sauvage et domestique qui contribue encore  aujourd’hui à la richesse paysagère de Feuilla.

Au décès d’Augustin en 1867, le pays dit on lui témoigna son attachement en  poussant un cri unanime : « Matapan, lo rei de las montanhas es mòrt !».

Bibliographie :

DIELTIENS et QUEHEN, 1987, Les casteillas des Corbières, Bulletin SESA, 87.

MARTY fils et Boyer Christian, Augustin Marty, Le roi des Corbières, manuscrit polycopié non daté.

PALA Marc, 1999-2000, Aperçus sur le castrum de l’Hortoux et la seigneurie de Feuilla, Bulletin APCSC, 5.

texte écrit par Marc Pala


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