La forteresse arasée / Le castrum de Montpezat (Roquefort)
Plus qu’une forteresse ruinée, Montpezat représente pour les roquefortois un important écart au nord ouest du village avec son domaine viticole et un vieil habitat dispersé entre Haut et Bas. En décembre 1790, les deux communautés distinctes de Roquefort et Montpezat fusionnaient, entraînant d’interminables procès, conduits par les de Monteil, successeurs des anciens seigneurs.
Bâti sur un éperon rocheux, en bordure orientale du vaste plateau calcaire de Courbines, le castrum de Monpesadus en 1141, encore dénommé Montepesato en 1176, colline palissadée ou fortifiée, domine la fertile plaine littorale. Ce mont « aux fortes pentes » se dresse à un important carrefour de voies qui jalonnent de leurs ornières profondes et patinées les « antiques » itinéraires des Corbières.
Il ne reste plus grand-chose de cette forteresse arasée par le temps et les carriers, remodelée en enclos par les bergers, bouleversée par l’occupation allemande. Une infrastructure de donjon (?) sur la partie sommitale, une citerne avec sa voûte en demi berceau effondrée et vers le nord ouest un fragment d’enceinte que Théodore Marty (1842-1926), un érudit roquefortois, nous décrit vers la fin du XIXe siècle comme un important mur de six mètres de hauteur sur deux d’épaisseur. Chauffé à blanc par le soleil d’été, balayé l’hiver par les vents violents du nord ouest, le castrum ne conserve de sa « splendeur » passée que la beauté nue et déployée d’un vaste territoire qui s’étendait depuis le Ginestas, au voisinage de la Berre, jusqu’au sommet du Pié de Poul qui barre l’horizon sud.
Se référant à un « cahier noble de 1538 » aujourd’hui égaré, Marty évoque les casals, petites habitations liées à l’argile, dont une douzaine s’érigeaient intra muros et vint cinq autres s’étageaient sur le versant oriental. Soit une population d’une centaine d’âmes, si l’on se réfère aux vingt deux feux dénombrés par la viguerie de Béziers en 1344. Si cet habitat castral n’apparaît plus clairement sur le terrain, en revanche il se révèle d’une manière émouvante dans les hameaux satellites de Montpezat, à Castelsec, à l’Ermita, au Viala, à la combe d'Enfer… Ces vestiges se laissent néanmoins difficilement découvrir, encastrés dans les ginestières et poussant leur mimétisme, jusqu’à se fondre dans le blanc du rocher. Ils sont établis en bordure de petites vallées profondes, les clottes ou conches, sur des pitons rocheux en surplomb de combes encaissées. Le promeneur tenace est récompensé par la découverte des assises d’un tour ou d’une chapelle, d’habitats ou d’entrepôts en pierre sèche, d’un contre poids sculpté de pressoir à huile, de morceaux de meules en grès, de mobilier céramique… et même d’une grotte de faux monnayeurs.
D’après des datations reposant sur l’étude des céramiques et l’émission des nombreuses monnaies trouvées sur les lieux, ces communautés, développées aux alentours de l’an mille, semblent abandonnées vers la fin du XIVe siècle. Le château de Montpezat connaît un regain d’intérêt éphémère lors des conflits franco espagnol du XVIIe siècle puisqu’il figure sur la liste des réparations de 1640. L’attraction de Roquefort qui s’accroît dès le début du XVIIe (paroisse unique de St Martin en 1608, domaine rural inscrit sur le compoix de Roquefort en 1616) précipite le déclin de Montpezat. La fin de l’époque moderne verra le pillage du site au profit d’exploitations installées sur le flanc sud (cadastre de 1817) et dans les vallées en contre bas.
Montpezat reste néanmoins un site majeur pour la compréhension de ces communautés médiévales d’agro-pasteurs installées sur la frange orientale des garrigues.
Une hache en bronze à tranchant étalé retrouvée dans un mur éboulé d’une bergerie attenante au château, des pointes de flèches pédonculées, attestent de l’ancienneté de l’élection de ce site de hauteur et de la permanence d’un habitat défiant les siècles et les cultures.
Bibliographie :
GAZANIOL Claire, 2007, Le castrum de Montpezat en Corbières, approche historique et archéologique, mémoire de Master 1, Université Toulouse-II-Le-Mirail.
MARTY Théodore, 1889, Recherche historique sur Roquefort et Montpezat, Chauvin, Toulouse.
1891, Les limites de Roquefort et de Montpezat, Caillard, Narbonne.
SOLIER Yves, 1996, La grotte du Crès de la Louve : une officine de faux-monnayeurs, Bulletin SESA, XCVI.
texte écrit par Marc Pala