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Une fraîcheur oubliée  / Les glacières (Vinassan, Fleury...)

A l'heure où l'une des dernières grandes activités traditionnelles du territoire, la viticulture, se mécanise et s'industrialise, où le technicien remplace le paysan, se multiplient des stratégies visant à valoriser ou à mettre en spectacle les éléments patrimoniaux d'un monde disparu. Dans ce concert parfois cacophonique, chaque village revendique un terroir et une histoire uniques en exaltant sa différence. Mais depuis peu sous l'égide des nouvelles collectivités émergent des approches non sectorielles, plus territoriales, car c'est bien connu, "il ne saurait y avoir de local sans le global". Ainsi des villages comme Vinassan, Fleury, Ouveillan, Cuxac, Saint- Nazaire-Le Somail... dont les glacières deviennent un des vecteurs de l'activité touristique se sont associés autour du projet de la route de la glace.

A Vinassan, la glacière mentionnée dès le XVIIe siècle, qui appartenait au seigneur local, est antérieure à la mise en place des réseaux de diffusion de la glace (milieu XIXe), centrés sur le petit village de Pradelles-Cabardès dans la montagne Noire. Les rares glacières des basses plaines étaient alors autonomes, elles s'alimentaient avec de la neige ou de la glace récoltée dans les mares, fossés et ruisseaux environnants. Il faut se rappeler qu'en ces débuts de l'époque moderne, l'Europe traversait une période froide (1550-1850), aux hivers rigoureux et enneigés, marquée par une phase particulièrement virulente entre 1815 et 1860. Malgré ce, ces puits à glace n'étaient pas toujours suffisamment approvisionnées et la masse thermique trop faible entrainait la fonte d'une partie des réserves. Il fallait alors la chercher, du côté du Pic de Nore, de l'Aigoual ou du Ventoux, conditionnées sous la forme de pains d'une cinquantaine de kilos, cousus dans des toiles de jute.

A l'origine, ces glacières sont de simples trous aménagés de façon rustique, recouverts de branchages, de terre et de feuilles. A partir du XVIIIe apparaissent les premières glacières bâties, semi-enterrés, en forme de puits ou de dômes habillés de pierres appareillées et enduites. La partie aérienne, aux murs très épais, isolée par des remblais de terre et dotée d'une ouverture pour le remplissage était fermée par une épaisse porte de bois. La saison commençait à l'automne par un nettoyage et une remise en état du lieu de stockage. En hiver, la neige récoltée était entreposée sur un lit de branchages étalé en fond de glacière. Piétinée avec les sabots ou tassée avec un pilon en bois, elle était ensuite recouverte par un matelas isolant de feuilles ou de paille. Vers la fin du printemps, la glacière, d'une capacité d'une centaine de tonnes, était ouverte et la vente pouvait commencer.

Avec le réchauffement, apparut la nécessité de s'alimenter ailleurs. Le petit village de Pradelles sut saisir cette opportunité. La famille Piquemol propriétaire en 1849 de l'unique glacière privée du secteur développa rapidement son affaire. Ces pionniers de l'or blanc en possédaient cinq de plus en 1859. A ce jour, dix-sept glaciaires ont été dénombrées sur la commune. Ce commerce nécessitait une abondante main d'oeuvre qui bien que prolétarisée profita de cette aubaine de développement local. Il fallait des hommes pour le remplissage des glaciaires, la fabrication des pains de glace et des femmes pour la collecte des feuilles de hêtre et coudre les enveloppes en toiles de jute. Une grande partie de ce travail s'effectuait de nuit, dans le froid des silos, à la lueur des bougies. Puis les glaciaires étaient fermées jusqu'aux beaux jours.

Commençait alors la longue période fébrile, de chargements au soir des lourdes balles de glace sur les charrettes. Et la nuit venue, "les caravanes de glaciers commençaient leur longue descente vers la plaine" afin de desservir le Narbonnais, le Minervois ou le Carcassès.  "De la fin du printemps à l'automne, les charretiers faisaient un à deux voyages par semaine et jusqu'à cinq en été". Plus d'une centaine de kilomètres pour alimenter les glaciaires du littoral. Avec le développement du chemin de fer et la proximité du canal du Midi, le commerce de la glace en provenance de la Montagne Noire atteint son apogée. Qui fut de courte durée. La concurrence de la glace artificielle puis la généralisation des appareils frigorifiques entraina la disparition totale de cette activité dans l'entre-deux guerres.

Oubliée pendant de longues années, la glacière de Vinassan a connu de 2003 à 2007, cinq années de chantier de restauration. Il aura fallu une crise, celle du monde moderne, avec ses pertes d'identité et de sociabilité pour que s'invente à travers elle un patrimoine qui, quoiqu'on pense, n'est pas donné mais se construit socialement. En sauvegardant des traces de modes de production disparus, perçues comme les garants d'une identité continue, des groupes ont su se donner des lieux où s'élaborent des expériences originales.

texte écrit par Marc Pala

Catégorie : 6. Métiers

Bibliographie :

Amat Frédéric, 1993, Lorsque la neige était une marchandise, Journal l'Indépendant, édition du 27 août.

A partir de la même source  Amat,  La glacière, en ligne : rubrique Histoire et Patrimoine, in Mairie de Vinassan ou Vinassan (Wikipédia).

Voir aussi, en ligne : L'or blanc de Pradelles, Association Lous caminos de Pradellos.

                                   La route de la glace, Association Route de la glace.


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