carte

photos

télécharger le pdf des sites

fermer x

Plateau de la Roque / Dans la portée de L'Arc
(Saint-André-de-Roquelongue)


Rien de telle qu'une aile volante ou la photographie aérienne pour aborder ce site de hauteur. Au sol, la perspective sur cet "escarpement encerclé" est entravée par de denses îlots de maquis, brouillée par le mimétisme de cette muraille qui s'affaisse en un impressionnant clapas rubané. On ne vient pas ici par hasard. Il faut y être guidé ; passé le dédale végétal et les entraves des lapiés, il faut longer lentement cette enceinte, vaincue par la solitude et le temps, pour mesurer l'ampleur de l'espace encerclé, environ 25 ares, tranché brutalement au levant par la ligne diamétrale et plongeante de la falaise. La muraille naît et meurt dans le vide, ce vide ici qui fait mystère, aucun indice de datation, aucune trace de vie humaine, rien d'autre que le vent, la pierre qui se délite et une nature patiente qui reconduit tout à son ordre.

Il n'est d'enceinte qui ne soit percée de porte "car c'est le vide encore qui permet l'habitat". Dans cette épaisse muraille de plus de deux mètres de large sur un mètre de hauteur, cette porte n'est qu'un étroit passage bien délimité par deux larges dalles posées sur chant. Elle ne débouche pas seulement sur un enclos mais sur l'ouvert du vaste monde ; au nord l'oeil embrasse toute la plaine de Saint-André-de-Roquelongue, ses vignes à perte de vue où se perpétue l'héroïque occupation, alors qu'en face, vers l'est, ondule le bois du Vicomte duquel émergent les ruines de l'ermitage Saint-Martin. Il faut venir par une aube claire saisir par-delà les foisonnements sauvages des collines la tâche rouge du matin.

Non loin de l'Arc monumental, se dressent un dolmen et quelques cabanes, attribués aux communautés agro-pastorales du Bronze Ancien. L'Arc est probablement contemporain de ces installations vieilles de quatre mille ans. L'absence d'une étude sérieuse et de fouilles archéologiques a permis toutes les hypothèses : enceinte chasséenne, habitat fortifié, parc à moutons, temple solaire... Cette dernière, somme toute plausible, fait rêver. Un article de journal, émanant d’une association patrimoniale saint-andréenne retient cette fonction "d'exercice d'un culte solaire" comme la possibilité probable de cet escarpement bien orienté à l'est. "Ce culte, lit-on, aurait pu être commun à toutes les populations des environs car cet arc est le seul connu dans la région... On peut imaginer des rassemblements ou des pèlerinages tenus à certains moments précis, aux solstices par exemple..."

L'imaginaire mis en veille, nous ne savons que peu de choses. Pensons donc avec les pieds et laissons nos pas suivre la marche du soleil, arpenter la falaise de Sur Roque, en direction du sud, vers Combe de Berre. En contrebas, d'interminables défilés : combe Longue, combe Plate, combe Etroite... s'enfoncent au sein d'une géologie tourmentée, dans de grandioses paysages minéraux écrasés entre les poussées compressives des plateaux de Sur Roque, de Saint Victor et de Montagnacum. Autour d'épicentres, tel le Roc du Malpas, tout n'est que chevauchements, plissures, feuillures. La toponymie y prend des tournures étranges : Pech Fourcan, le Fer à Cheval, Crêt de Carmantran, le Plan des Mascos... qui évoquent des formes fourchues, d'énigmatiques gravures rupestres, une Vieille carnavalesque, des sabbats de sorciers... Il me souvient d'une virée solitaire au Plan des Mascos. La doline venait d'être labourée, un monticule jaune d'or trônait en son centre dans la lumière rasante du soir. Je m'en approchais, intrigué. Une offrande de pommes avait été déversée sur la terre brune et grasse. J'eus un instant de doute... Mais ce n'était qu'un "agranal" de chasseurs, une libation pour sangliers, ultimes théophanies sauvages des lieux.

Si toute cette toponymie mythologique n'explique pas l'Arc, elle souligne, comme l'a mis en lumière la juxtaposition de disciplines du savoir (ethnographie, onomastique, archéologie préhistoire...) les survivances remarquables venues du fond des âges, voire une certaine forme de continuité, malgré le jeu permanent des réinterprétations,  entre mégalithisme, légendaire et des manifestations cultuelles populaires comme le carnaval, la sorcellerie, les pratiques magiques ou divinatoires. Le lieu est le liant de toutes ces manifestations, il en est à la fois l'empreinte et la matrice. Les éléments de cet ensemble qu'est le pays vont les uns avec les autres, ils sont indissociables, ils doivent être appréhendés dans leur globalité, dans leur accord avec le paysage. "Le là d'ici n'est pas celui d'ailleurs... l'être non plus ne saurait y être-là comme il est ailleurs".  Et c'est bien ce "il-y-a-ici-plutôt-que-là" qui rend cohérent et loquace toute une série de signes, en léthargie, dans la portée de l'Arc.

Sortis d'une accumulation de faits, que savons nous du territoire ?



Bibliographie :

Deux articles dans le journal L'Indépendant, à la rubrique Saint-André-de-Roquelongue :

La section patrimoine de la MJC en visite à l'Arc, 18 mars 1999

_ Le patrimoine saint-andréen sur le plateau de la Roque, 20 mars 1999

Une simple allusion au site par F. Claustre et J. Vaquer in Gallia, circonscription Languedoc-Roussillon, pp. 391-415, année 1985, vol.43.

Et sur  le rapport onto-géographique de l'humanité avec la Terre, voir :

Berque Augustin, 2010, Ecoumène, Introduction à l'étude des milieux humains, Belin Poche.





haut de page

© PNRNM tous droits réservés