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Faire l'histoire de sa commune

Par Sylvie Caucanas,

Directeur des Archives départementales de l’Aude

           

Lequel d’entre vous n’a pas eu, un jour envie de faire l’histoire de sa commune ? Lequel d’entre vous ne s’est pas découragé devant les difficultés rencontrées ?

         Pourtant, cet objectif n’est pas si difficile à atteindre, encore faut-il que vous disposiez de toutes les clés qui vous permettront de pénétrer dans ce monde étrange et mystérieux qu’est celui des Archives. C’est ce que je me propose de faire en une quinzaine de minutes.

         Mais cela devrait me suffire pour vous faire comprendre la méthode à suivre. D’autant que vous avez la chance d’avoir dans votre commune un historien qui a déjà largement exploré le passé de Montséret ; j’ai nommé Jean-Louis Escudier. Vous pourrez à loisir lui demander conseil. J.-L. Escudier a établi en 1990 un état des sources et une bibliographie faisant l’état de nos connaissances à cette date sur le village. Evidemment ce travail a déjà plus de vingt ans et il devra être mis à jour : mais c’est là ce qui rend enthousiasmant le travail de l’historien, c’est qu’on n’a jamais tout dit sur le passé, c’est qu’il y a toujours de nouvelles sources à découvrir.

Vous savez tous que l’histoire ne s’écrit pas en évoquant les ombres du passé par des procédés incantatoires. Nous ne pouvons connaître le passé directement (pas de machine à explorer le temps et c’est dommage) mais seulement à travers les traces que ce passé a laissées derrière lui, dans la mesure où ces traces ont subsisté, où nous les avons retrouvées et où nous sommes capables de les interpréter.

L’historien grec Thucydide (v. 465- v. 395 av. J.-C.) expose dans les premières pages de l’Histoire de la guerre du Péloponnèse des principes de méthodologie toujours valables : « l’historien doit s’attacher à la recherche de la vérité et pour cela examiner les documents les plus sûrs, donc les plus proches des faits relatés, confronter les témoignages divergents, se défier des erreurs véhiculées par l’opinion commune ».

Plus près de nous l’historien Lucien Febvre (1878-1956), fondateur de l’Ecole des Annales avec Marc Bloch, écrit : « L’histoire se fait avec des documents écrits, sans doute. Quand il y en a. Mais elle peut se faire, elle doit se faire avec tout ce que l’ingéniosité de l’historien peut lui permettre d’utiliser… Donc, avec des mots. Des signes. Des paysages et des tuiles. Des formes de champ et de mauvaises herbes. Des éclipses de lune et des colliers d’attelage. Des expertises de pierres par des géologues et des analyse d’épée en métal par des chimistes… ». L’histoire se construit sur les traces présentes de la durée passée. L’historien doit apprendre à identifier ces traces, toutes les traces, écrites ou non ; il doit apprendre à les questionner.

         Ces traces, pour la Préhistoire, ce sont les pierres taillées, les tessons, les graines, les pollens, les morceaux de charbon, les ossements, etc. Les avancées technologiques (analyses en laboratoire) ont permis d’ailleurs de faire de grands progrès pour notre connaissance de ce lointain passé (datation notamment).

         Pour les périodes historiques, ce sont bien sûr les documents écrits, les archives qu’elles soient d’origine privée ou publique mais on ne doit pas négliger pour autant les documents archéologiques qui viennent compléter, confirmer, mettre en cause la documentation écrite. Les prospections archéologiques (1970 et après) menées sur le site du château de Montséret ont apporté des informations qui ne sont pas négligeables : découverte de monnaies médiévales et modernes, de clous de parure pour le harnachement des chevaux témoigne de la vie quotidienne, des échanges commerciaux, etc.

         Venons-en à ce monde des archives, ce monde des documents écrits, qui paraît si souvent mystérieux. Et tout d’abord essayons de comprendre les raisons de ces cadres de classement qui vous paraissent si hermétiques lorsque vous pénétrez pour la première fois dans un service d’archives.

         Non, l’archiviste n’est pas un être pervers et sadique qui à dessein cherche à vous compliquer la vie. Vous ne trouverez pas dans les services d’archives un ou plusieurs dossiers constitués sur le village de Montséret. Non, vous allez avoir à rechercher les informations en différents lieux, dans des cadres de classement peu compréhensibles pour des personnes non averties. Ces cadres de classement, apparemment si complexes, ont un seul objectif : permettre à l’historien de savoir quel degré de confiance il doit accorder au document écrit qui lui est confié. Et pour cela, il doit savoir d’où vient ce document, qui l’a écrit, à qui il est adressé, pour quelle raison il a été rédigé. C’est seulement lorsqu’il aura répondu à ces questions que l’historien pourra véritablement l’utiliser sans risques de se méprendre sur sa véracité, sur son degré de crédibilité.

Des exemples concrets et simples sortant de la vie courante :

-       chiffres donnés par l’Etat et par les syndicats sur le nombre des manifestants ne coïncident jamais

-       estimation des dommages subis à l’occasion d’un sinistre vue du côté de l’assureur ou de l’assuré

C’est pour cette raison que les classements de documents d’archives faits non par thèmes, non par sujets mais par provenance, par fonds. C’est ainsi qu’on ne mélangera pas les documents provenant de la préfecture, du tribunal, d’une commune même s’ils traitent d’un même sujet.

Exemple : manifestations viticoles dans le Narbonnais

Archives publiques

Fonds de la Préfecture : rapports du préfet au ministre 

Fonds de la Sous-préfecture de Narbonne : rapports du sous-préfet au préfet (plus de détail)

Fonds du service des renseignements généraux : informations sur les leaders et les manifestations pour le préfet

Fonds de la commune : démissions de municipalités, délibérations municipales faisant des vœux au gouvernement

Archives privées

Fonds de syndicats viticoles : mots d’ordre, tracts, relations par responsables syndicaux; fonds de particuliers : correspondance rapportant les faits.

         Pour recenser les sources manuscrites sur un thème donné, il est donc indispensable de bien connaître les institutions, leur histoire et leur rôle afin de savoir où chercher.

         Prenons quelques exemples sur Montséret (cf. Jean-Louis Escudier) :

-       faire l’histoire politique :

archives communales : délibérations municipales (consulaires avant la Révolution française), dossiers d’élections

A. D. : série C '(administration provinciales avant la Révolution française) ; série M (rapports du préfet au gouvernement sur la situation politique), dossiers d’élections plus complets (permettant de faire une comparaison avec autres élections politiques dans le département)

-       faire une étude démographique et sociale :

exploitation des registres paroissiaux et de l’état civil (collection des archives communales plus complète et plus ancienne que AD) : étudier les mariages, les origines sociales des mariés ; série M : recensements de population, statistiques

-       faire une étude sur l’occupation des sols, économie

compoix, cadastre ; série M (économie)

-       faire une étude sur l’enseignement primaire

construction de l’école (archives communales, série O : contrôle de la commune par la préfecture) : enseignement : série D (sous l’Ancien Régime), série C ; série T

-       faire une étude sur la guerre de 1914-1918

site Mémoire des Hommes (ministère de la Défense), registres matricules (série R aux A. D.) ; construction du monument aux morts (série O, archives communales) mais aussi archives privées (exemple des mémoires de guerre 1914-1917 de Léopold Noé de Montséret publiés par la FAOL)

         Mais il est temps de conclure. En si peu de temps, il est impossible de faire le tour de la question. Seulement vous donner des directions de recherche, vous faire comprendre la méthodologie à suivre : complémentarité des sources (archives publiques, archives privées ; archives de l’Etat au niveau du gouvernement ou du département, archives de la commune) ; nécessité dans tous les cas de bien identifier les sources qu’on a utilisées (lecteur doit pouvoir vérifier la pertinence de ce qui a été dit ; revenir à tout moment au document original que l’historien a utilisé).

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